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Joann Sfar, l’hyperactif constant

20 septembre 2010 |

sfar_chagall_introIl sort, selon ses mots, de «trois ans de viol collectif», correspondant au travail effectué sur le film Gainsbourg (vie héroïque). Joann Sfar n’a pas pour autant abandonné la bande dessinée. Cet hyperactif du crayon – et de la caméra – publie le premier tome de Chagall en Russie, un diptyque consacré au peintre avant son arrivée à Paris en 1910. Entretien autour de ce collègue de Pascin (déjà dessiné par l’auteur pour L’Association), et des abondants projets de l’artiste.

mep_Chagall.inddD’où est venu ce Chagall en Russie?
L’élément déclencheur a été la vision du film Liberté de Tony Gatlif, que l’on sent réalisé avec les tripes. J’ai eu envie de me lancer dans un conte juif du Shtetl [village ou quartier juif d’Europe de l’Est et de Russie], comme à mon habitude. J’ai utilisé les ingrédients traditionnels : le rabbin, le père qui ne veut pas marier sa fille… Tout est codifié, comme dans un polar !

Dans quelles conditions avez-vous fait cet album ?
J’avais réalisé mon ouvrage précédent, le premier volume de L’Ancien Temps, dans un état de quasi hypnose. D’ailleurs, en le relisant, j’ai eu l’impression que ç’avait été fait par un ivrogne ! Je le dessinais le soir avant de m’endormir, après avoir passé la journée à travailler sur Gainsbourg (vie héroïque). Celui-là, au contraire, a été fait très consciemment. C’était pendant la promotion du film, qui m’a bien pris la tête. Faire de la BD m’a permis de me raccrocher à mon univers habituels. Chagall raconte l’histoire d’un peintre en décalage, à qui l’on demande de décorer un opéra. Quand je l’ai fait, cela me renvoyait à mes propres angoisses, celles du dessinateur qui fait du cinéma.

Comment avez-vous conçu le parcours de Chagall ?
J’ai voulu faire du théâtre dessiné. J’avais en tête Popeye, Les Pieds Nickelés, et j’ai revu beaucoup de comédies musicales comme Un violon sur le toit ou Un Américain à Paris. J’adore la façon dont c’est surjoué ! Je prends plaisir à voir mes personnages s’égorger ou s’embrasser. J’ai envie de voir jusqu’où je peux pousser la machine sans casser le ressort émotionnel, à la manière d’un Michel Gondry ou d’un Terry Gilliam. J’apprécie que le spectateur ou le lecteur fasse un effort, mais je me demande constamment s’il va aimer plutôt que comprendre. Pourtant, je veux être intelligible sans faire la pute.

mep_Chagall.inddAvez-vous voulu faire passer un message particulier à travers Chagall en Russie ?
J’ai souhaité mettre en avant une figure emblématique qui fait que l’on aime la France. J’ai agi de la même manière en m’intéressant à Saint-Exupéry pour Le Petit Prince, à Serge Gainsbourg ou à Georges Brassens [Joann Sfar a incarné le chanteur à moustache dans son film et sera le commissaire d’une exposition sur Brassens à la Cité de la Musique à Paris, prévue pour mars 2011]. Le drame des Français, c’est qu’ils sont neurasthéniques et se détestent. Les artistes ont une part de responsabilité dans cela : il leur faut aider à la création de lieux de rencontre, de discussion dans l’espace public. Je regrette la « zemmourisation » [en référence au chroniqueur Eric Zemmour] des esprits : je récuse l’idée qu’un artiste vive sous la terreur, et aille prendre sa fessée à la télé. La plus grande liberté de l’auteur, c’est de se planter. Il doit creuser son sillon à sa façon. Il est plus facile d’être Terrence Malick [qui tourne très peu] que Woody Allen ou Claude Chabrol ! Il faut prendre le risque d’un discours tenu sur la durée. En bande dessinée, les talents qui m’émeuvent sont ceux que l’on reconnaît dès le premier trait : Christian Binet ou René Pétillon par exemple.

mep_Chagall.inddQuel bilan tirez-vous de l’aventure Gainsbourg sur grand écran ?
C’était génial. Au cinéma, les contraintes obligent à se creuser la cervelle constamment. Et puis les équipes de ciné françaises sont formidables ! J’ai envie de recommencer, mais sans rabattre mes ambitions. J’ai envie de films très visuels avec des monstres, des jolies filles, à la façon de ceux de Tim Burton ou Guillermo del Toro. Il s’agit donc nécessairement de coproductions européennes avec un budget conséquent. Je propose des trucs ultra-chers, infaisables ! Car je peux vivre sans filmer, mais pas sans dessiner. Je sais que je pourrai toujours me tourner vers la BD si le cinéma ne fonctionne pas.

sfar_philosophesQuels sont vos projets ?
A ceux qui disent que je ne termine jamais mes histoires en cours, je vais prouver que c’est faux. J’ai déjà fini le second tome de Chagall en Russie, qui sortira en décembre et clôt pour moi un cycle de BD juive. Sinon, je reprends Les Olives noires avec Emmanuel Guibert, et Donjon avec Lewis Trondheim : nous avons écrit deux albums, que nous allons dessiner – le premier sortira en septembre 2011. J’ai aussi de nouveaux projets. J’ai signé chez Dargaud pour une série sur des philosophes blaireaux, Les Lumières de la France (voir ci-dessus). Je souhaite continuer et développer L’Ancien Temps, à la manière de Donjon. Notamment avec un album chaque année, d’environ 50 pages, et des romans qui raconteraient ce monde païen, avec sa mythologie, sa géographie, sa langue… Serais-je capable d’heroic fantasy premier degré ? Je travaille aussi pour Dargaud sur De la mort, un mix de roman-photo et de BD, avec de jolies filles en short en skaï et talons. On y trouvera du sexe et de la violence, à la Tarantino.sfar_chat J’aimerais produire des chocs visuels, faire de la bande dessinée comme si c’était du hard rock. On y suivra un type qui se fait arracher la peau lors d’une émission de téléréalité porno, et qui ensuite voit tout étrangement… Ce sera un album de puceau !

Et quid de l’adaptation en film d’animation du Chat du rabbin ?
Sa sortie a été repoussée à mars 2011, pour nous laisser le temps de le faire passer de la 2D à la 3D. Ce choix a été motivé par la réaction du public lors des projections tests. Alors que nous pensions avoir réalisé un film pour adultes, dans la lignée de Persepolis, les enfants l’ont aussi énormément aimé. Ce qui a permis de débloquer le budget pour y ajouter du relief. Maintenant, on rêve d’être sélectionnés au Festival de Berlin !

Propos recueillis par Laurence Le Saux


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Chagall en Russie.
Par Joann Sfar.
Gallimard, 15€, le 9 septembre 2010.

Images © Gallimard – Dargaud – UGC Distribution.

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Commentaires

  1. Annick

    « Il sort, selon ses mots, de «trois ans de viol collectif» »

    Remarque stupide et honteusement insultante pour les vraies victimes de viol dont je m’occupe. Mr Sfar devrait un peu réfléchir avant de sortir de telles insanités, il me fait penser au ministre Woerth qui parle de lapidation à son égard, ce qui est une insulte envers Sakineh Mohammadi-Ashtiani.

  2. Annick

    « Il sort, selon ses mots, de «trois ans de viol collectif» »

    Remarque stupide et honteusement insultante pour les vraies victimes de viol dont je m’occupe. Mr Sfar devrait un peu réfléchir avant de sortir de telles insanités, il me fait penser au ministre Woerth qui parle de lapidation à son égard, ce qui est une insulte envers Sakineh Mohammadi-Ashtiani.

  3. Francis Pincemoi

    Les victimes de viol ne réclament rien, il me semble que Monsieur Sfar voulait faire son film, donc effectivement, je ne vois pas de quoi Sfar se plaint. S’il n’aime pas la promiscuité, il n’a qu’à rester dans son atelier à griffonner ses feuilles de papier blanc. De plus, il me semble qu’il est extrémement passionné par son projet dans les livres de son copain Sapin qui traitent du sujet.

  4. Francis Pincemoi

    Les victimes de viol ne réclament rien, il me semble que Monsieur Sfar voulait faire son film, donc effectivement, je ne vois pas de quoi Sfar se plaint. S’il n’aime pas la promiscuité, il n’a qu’à rester dans son atelier à griffonner ses feuilles de papier blanc. De plus, il me semble qu’il est extrémement passionné par son projet dans les livres de son copain Sapin qui traitent du sujet.

  5. Baldu

    Il emploie également le mot « olives noires » au sujet d’albums qui ne contiennent pas d’olives du tout et très peu de noirs. décidément, on nage dans le scandale. Si on faisait un procès?
    Je note aussi les mots « talons haut » et « jolies filles » qui sont certainement une incitation au viol.
    Il dit enfin « je veux être intelligible sans faire la pute » ce qui est dénigrant vis-à vis des travailleuses du sexe. Procès! vite!

  6. Baldu

    Il emploie également le mot « olives noires » au sujet d’albums qui ne contiennent pas d’olives du tout et très peu de noirs. décidément, on nage dans le scandale. Si on faisait un procès?
    Je note aussi les mots « talons haut » et « jolies filles » qui sont certainement une incitation au viol.
    Il dit enfin « je veux être intelligible sans faire la pute » ce qui est dénigrant vis-à vis des travailleuses du sexe. Procès! vite!

  7. luxsword

    J’aime bien Sfar, mais mon admiration ne change rien au fait que je trouve l’expression choquante aussi, surtout du fait qu’elle soit utilisée avec autant de légèreté. Votre réponse est très drôle, Baldu, mais je ne vois pas pourquoi on se retiendrait de mentionner que qqchose nous choque. C’est pas un appel à la censure non plus…

  8. luxsword

    J’aime bien Sfar, mais mon admiration ne change rien au fait que je trouve l’expression choquante aussi, surtout du fait qu’elle soit utilisée avec autant de légèreté. Votre réponse est très drôle, Baldu, mais je ne vois pas pourquoi on se retiendrait de mentionner que qqchose nous choque. C’est pas un appel à la censure non plus…

  9. Baldu

    bin…ça serait choquant si on sentait une apologie du viol…ou une incompréhension de ce dont il s’agit… quand quelqu’un dit « je me tue à la tâche » on se doute bien qu’il ne parle pas de suicide. Quand on joue à la Playstation et qu’on dit à l’adversaire « je t’ai niqué la gueule », ça ne signifie pas littéralement qu’on veut introduire son phallus très loin dans sa bouche. Quand on sort d’un fast-food en disant « j’ai bouffé de la merde » il n’est pas question, me semble-t-il, de réelle coprophagie. Quand je vais sur le site de Sfar, il parle de « bukkake mediatique », ce qui ne signifie pas, je crois, qu’il a eu sur la figure le sperme de plein de journalistes, ni qu’il fait l’apologie du sexe de groupe.
    Si je lis bien ce qu’il raconte sur son site, c’est pas le film mais bien la promotion qui l’a mis mal à l’aise. Est-ce qu’il fait le blaireau? Est-ce qu’il s’est vraiment senti mal pendant cette période?Est-ce qu’il est vraiment léger? Je crois savoir que sa comédienne principale venait de se suicider au moment de la promo du film. Etes vous vraiment certain qu’il a utilisé ces mots pour rigoler?Qu’est ce qu’il voulait dire vraiment? Quel que soit le sens que vous donnez à ce qu’il a dit, personne ne peut y voir une apologie de quoi que ce soit. Par expérience, j’aime mieux écouter les gens eux mêmes quand ils parlent ou quand c’est eux qui écrivent. Dans une interview, on ne sait pas ce qu’il a dit vraiment, le gars, parfois il suffit d oublier deux ou trois mots et ça devient autre chose.

    Mais si vous comptez monter un comité contre les outrances de langage, je ne suis pas sûr de vouloir adhérer!!!!

  10. Baldu

    bin…ça serait choquant si on sentait une apologie du viol…ou une incompréhension de ce dont il s’agit… quand quelqu’un dit « je me tue à la tâche » on se doute bien qu’il ne parle pas de suicide. Quand on joue à la Playstation et qu’on dit à l’adversaire « je t’ai niqué la gueule », ça ne signifie pas littéralement qu’on veut introduire son phallus très loin dans sa bouche. Quand on sort d’un fast-food en disant « j’ai bouffé de la merde » il n’est pas question, me semble-t-il, de réelle coprophagie. Quand je vais sur le site de Sfar, il parle de « bukkake mediatique », ce qui ne signifie pas, je crois, qu’il a eu sur la figure le sperme de plein de journalistes, ni qu’il fait l’apologie du sexe de groupe.
    Si je lis bien ce qu’il raconte sur son site, c’est pas le film mais bien la promotion qui l’a mis mal à l’aise. Est-ce qu’il fait le blaireau? Est-ce qu’il s’est vraiment senti mal pendant cette période?Est-ce qu’il est vraiment léger? Je crois savoir que sa comédienne principale venait de se suicider au moment de la promo du film. Etes vous vraiment certain qu’il a utilisé ces mots pour rigoler?Qu’est ce qu’il voulait dire vraiment? Quel que soit le sens que vous donnez à ce qu’il a dit, personne ne peut y voir une apologie de quoi que ce soit. Par expérience, j’aime mieux écouter les gens eux mêmes quand ils parlent ou quand c’est eux qui écrivent. Dans une interview, on ne sait pas ce qu’il a dit vraiment, le gars, parfois il suffit d oublier deux ou trois mots et ça devient autre chose.

    Mais si vous comptez monter un comité contre les outrances de langage, je ne suis pas sûr de vouloir adhérer!!!!

  11. Helena

    Oh Sfar, on sait que tu détestes le cinéma de Tim Burton !!! (tu l’as dit et répété, bien détesté).

    Alors arrête de faire le mec connu intéressé (oui oui il y avait Burton à Cannes l’année dernière…l’année où le chat du rabin devait aller à cannes, mais en fait reporté à cause de la 3D), le mec qui va bientôt nous dire qu’il adôre Tim Burton… Tiens je te file ta phrase pour ta prochaine interview : « ah oui ? j’ai dis que j’aimais pas ciné Tim Burton hi hi ? Ah mais vous savez, je parle beaucoup, alors je dis beaucoup de conneries » (ou d’autres trucs affectifs où tu es super doué).
    J’espère qu’au moins toi tu n’iras pas vers cette lâcheté, please et que tu continueras à détester le cinéma de T. Burton.

  12. Helena

    Oh Sfar, on sait que tu détestes le cinéma de Tim Burton !!! (tu l’as dit et répété, bien détesté).

    Alors arrête de faire le mec connu intéressé (oui oui il y avait Burton à Cannes l’année dernière…l’année où le chat du rabin devait aller à cannes, mais en fait reporté à cause de la 3D), le mec qui va bientôt nous dire qu’il adôre Tim Burton… Tiens je te file ta phrase pour ta prochaine interview : « ah oui ? j’ai dis que j’aimais pas ciné Tim Burton hi hi ? Ah mais vous savez, je parle beaucoup, alors je dis beaucoup de conneries » (ou d’autres trucs affectifs où tu es super doué).
    J’espère qu’au moins toi tu n’iras pas vers cette lâcheté, please et que tu continueras à détester le cinéma de T. Burton.

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