José Parrondo: musique, cinéma… mais avant tout, des livres !
Deux albums BD, une série TV, un jeu vidéo et, depuis le 20 octobre dans les salles obscures, un film animé : la série caméléon Allez raconte de Lewis Trondheim et José Parrondo est en train de devenir un magnifique exemple d’oeuvre cross-média. Elle a d’ailleurs servi de cas d’étude lors de la dernière université d’été de la BD, qui s’est tenue à la Cité internationale de la BD d’Angoulême. L’occasion de faire plus ample connaissance avec José Parrondo, dessinateur, musicien et raconteur d’histoires de talent.
A l’origine du film Allez raconte, deux albums parus chez Delcourt en 2002 et 2003 et scénarisés par Lewis Trondheim. Comment est née cette aventure?
J’étais en vacances chez Lewis, on commençait à en avoir marre d’aller à la plage, au cinéma et de manger au restaurant… et on a décidé de lancer un projet commun. Tout s’est décidé en très peu de temps. Le matin, Lewis a trouvé l’idée et mis en place le début de l’histoire, l’après-midi j’ai fait la première planche et le soir nous avions une réponse favorable des éditions Delcourt. Une bonne journée, en fait!
Quelle fut l’idée de départ de Lewis Trondheim?
Mettre en scène un papa racontant une histoire à ses enfants avant qu’ils s’endorment. Les gamins interviennent sans arrêt sur le récit et changent son cours, le papa reprend le fil, les enfants recommencent et ainsi de suite. Cela permet une très grande liberté au niveau du scénario. Ce qui ne veut pas dire qu’on peut y mettre n’importe quoi: tous les éléments doivent avoir un sens. Grâce au talent de raconteur de Lewis, tout fonctionne très bien.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans ce concept?
Il laisse plein de portes ouvertes, et cette part d’inconnu me motive autant que les enfants du livre sont motivés pour faire évoluer les histoires.
Quelle a été votre implication dans l’adaptation sur grand écran?
J’ai réalisé les bibles graphiques de la série et du film. Pour la série, j’étais seul. Heureusement, j’ai eu des collaborateurs pour le film. La quantité de travail était telle qu’il aurait été impensable de faire autrement!
Êtes-vous satisfait du résultat?
Oui, je suis content de ce travail collectif: on a réalisé quelque chose à plusieurs, tout en cherchant une cohérence graphique qui n’est pas forcément celle des livres. Ce n’est pas toujours simple. Il y a des tas d’étapes, de nombreuses interventions de diverses personnes. Alors que, sur le livre, il n’y avait que Lewis et moi. Il est donc inévitable que le film soit différent des livres. J’espère vivement qu’il rencontrera son public! Par rapport à la série, un important travail supplémentaire a été fait sur les matières. Il s’agissait d’enrichir l’image pour le grand écran, sans pour autant ajouter des détails qui auraient dénaturé l’esprit du projet. On s’est inspiré de l’univers pictural mis en place sur d’autres ouvrages que Allez raconte, par exemple ceux que j’ai fait paraître au Rouergue, ainsi que des rendus à l’huile ou à l’acrylique sur toile. Au niveau du trait et des décors, d’importantes améliorations ont également été apportées.
Série télé, jeux vidéo, produits dérivés, comment expliquez-vous l’engouement « commercial » suscité par Allez raconte?
Par l’excellence de l’idée de départ de Lewis, tout simplement.
Pouvez-vous résumer votre parcours?
Je suis autodidacte dans le domaine de l’illustration et de la bande dessinée, je me suis formé sur le tas en faisant des expositions et en participant à des fanzines depuis la fin des années 80. J’ai publié moi-même mes premiers livres, en bricolant pas mal avec de la colle, des ciseaux, une photocopieuse et une agrafeuse. Ensuite, j’ai commencé à être édité chez dans le circuit indépendant, par Le Lézard, L’Association, ou la revue Ego comme X. En 1998 est sorti mon premier livre jeunesse aux éditions du Rouergue. Puis il y a eu, dans le désordre, des collaborations avec les éditions Delcourt, L’Ampoule, Milan, Bréal, Belem, Les Requins Marteaux, MeMo… sans oublier Les Armateurs pour le dessin animé. À ce jour j’ai publié une trentaine d’albums. Je travaille le plus souvent seul, mais j’ai fait quelques livres en collaboration avec d’autres: Lewis Trondheim, Jean-Luc Cornette, Anouk Ricard (ainsi que Frédérique Bertrand, Frédéric Rey, Lynda Corazza, Olivier Douzou sur le livre Nationale Zéro).
Votre univers graphique est reconnaissable au premier coup d’oeil, pourquoi avoir opté pour cette simplicité de trait?
Je n’ai rien choisi. Je ne sais pas dessiner autrement. Ayant appris tout seul, j’ai dû inventer mes propres codes à partir d’un bagage plutôt réduit.
Vous publiez essentiellement pour la jeunesse, mais on trouve également dans votre bibliographie quelques titres s’adressant à un public plus adulte. À qui préférez-vous raconter des histoires?
À moi-même dans un premier temps. Ensuite à mes proches. Je ne vise pas un public particulier, sinon ça ne marche pas. Il n’y a pas de recette, l’histoire surgit – ou ne surgit pas, les mauvais jours -, et ensuite je la développe… indépendamment de toute tranche d’âge. Avant d’être édité, mon univers était déjà en place et, à cette époque, je n’étais classé dans aucune catégorie. C’est après que l’on se retrouve mis dans des compartiments: la collection jeunesse d’un éditeur, le rayon bande dessinée d’un libraire, etc.
Que pensez-vous de l’émergence de la bande dessinée numérique? À l’image de Lewis Trondheim, vous verra-t-on un jour explorer ce nouveau support?
Je ne crois pas. Je suis un homme du XIXe siècle, à qui l’on a donné une connexion internet et qui s’amuse avec, mais qui aime avant tout les livres. Empêchez-moi d’en faire et je me fane!
Quelles sont vos envies actuelles?
Je travaille sur un important recueil de textes illustrés depuis plus d’un an. Tous les jours, j’écris de courtes phrases indépendantes les unes des autres, des instantanés en quelque sorte, que j’illustre ensuite. Ce sera la continuation d’un certain état d’esprit apparu dans mes livres à partir de La Presqu’Ile et approfondi dans La Porte. Avec, il me semble, une prédilection pour l’aspect écrit. L’écriture me passionne et je ne désespère pas d’arriver à écrire un jour un ouvrage sans images.
Vous êtes également auteur-compositeur-interprète. Existe-t-il des passerelles entre ces deux métiers?
Pour être plus précis, je ne suis pas auteur: je compose et je joue. Mais je suis toujours incapable d’écrire les paroles d’une chanson. Cela reste un mystère pour moi. Sur mon disque les textes sont écrits par les deux chanteurs, Delphine Bouhy et Sacha Toorop.Mais je dirais que des passerelles existent partout, a fortiori entre différentes branches artistiques. Ce que je fais en musique est une continuation de mes histoires et de mes dessins. J’ai enregistré presque tout mon album sur ma table de dessin. Les pinceaux et le papier se sont donc quelque peu symboliquement mélangés aux instruments de musique et aux câbles électriques…
Propos recueillis (par mail) par Romain Gallissot
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Allez raconte
Un film de Jean-Christophe Roger, d’après l’univers de Lewis Trondheim et José Parrondo.
1h17. En salles le 20 octobre 2010.
Images © Parrondo et © Les Armateurs / Melusine Productions / Studio Canal / 2 Minutes.
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Je me suis délecté de la vision de ce film adapté d’histoires imaginées par Laurent Le Vice Trondheim, dessinées dans un style naïf (ou enfantin) par José Parrondo. L’univers graphique de ce film est fidèle à la vision des auteurs originaux, mais les voix de vedettes marrantes du spectacle et les musiques (caricatures d’artistes très connus)donnent un attrait supplémentaire au spectacle. J’ai été étonné de me retrouver un samedi après-midi dans une salle presque vide, allez vite le voir tant que c’est possible, je vous promets qu’il y a de quoi rire aux éclats à plusieurs reprises. Je recommande aussi l’achat des livres parus chez Delcourt, tout aussi remarquables par la prodigieuse imagination (et le sens de l’humour élevé) de Mister Trondheim.
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Je me suis délecté de la vision de ce film adapté d’histoires imaginées par Laurent Le Vice Trondheim, dessinées dans un style naïf (ou enfantin) par José Parrondo. L’univers graphique de ce film est fidèle à la vision des auteurs originaux, mais les voix de vedettes marrantes du spectacle et les musiques (caricatures d’artistes très connus)donnent un attrait supplémentaire au spectacle. J’ai été étonné de me retrouver un samedi après-midi dans une salle presque vide, allez vite le voir tant que c’est possible, je vous promets qu’il y a de quoi rire aux éclats à plusieurs reprises. Je recommande aussi l’achat des livres parus chez Delcourt, tout aussi remarquables par la prodigieuse imagination (et le sens de l’humour élevé) de Mister Trondheim.
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