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Joseph Béhé au pays des icebergs

23 avril 2009 |

pluvier_intro.jpg« Pour aller à la rencontre des autres, il faut parfois se défaire de quelque chose. » Joseph Béhé, 47 ans, a mis ses crayons et pinceaux de côté pour écrire avec Amandine Laprun le beau Chant du pluvier, une histoire de famille dessinée par Erwann Surcouf. Dans laquelle un jeune homme, scientifique basé au Groenland, tente de renouer avec son père, solide paysan béarnais. Mais les icebergs et la découverte d’une culture n’ont pas rassasié le dessinateur du Légataire. Entre les cours de narration qu’il donne aux Arts Déco de Strasbourg et ses séries chez Glénat, il se prépare à gagner le Vietnam. « Pour des vacances », précise-t-il, même s’il ne s’interdit pas de pêcher quelques idées dans la Baie d’Halong. Rencontre avec Joseph Béhé, qui clame avant tout sa passion pour l’écriture.

pluvier_invitee.jpgQuelle était l’idée de base du Chant du pluvier ?
Amandine Laprun et moi voulions parler du sentiment d’être étranger, et du paradoxe qui fait que, loin de chez soi, on se sent parfois très vite chez soi.

Comment mettre ce thème en scène ?
Nous l’avons développé autour de deux axes. D’abord l’itinéraire de Bernat, le père, qui va rejoindre son fils au Groenland. On envoie ce paysan bien ancré dans son terroir très loin de son Béarn, on le dépayse totalement. Ensuite, il y a le sujet du deuil, puisque l’album s’ouvre avec l’enterrement de la mère. Quand quelqu’un disparaît, toutes les pièces composant l’échiquier familial bougent. Chacun se sent alors un peu étranger dans sa propre famille et doit retrouver sa place au sein du groupe. Qui sera, probablement, légèrement différente de celle qu’il avait avant…

pluvier_iceberg.jpgPourquoi avoir choisi le Béarn et surtout le Groenland pour décors ?
Nous souhaitions d’abord un coin de campagne qui fasse bien terroir, et le Béarn s’est imposé de lui-même. Le Groenland nous est aussi rapidement venu à l’esprit, bien qu’on ait pensé avant à la Mongolie… Après avoir convaincu un éditeur de l’intérêt de notre projet, nous sommes partis – Amandine, Erwann Surcouf et moi – pour ces terres glacées, que nous ne connaissions que par le biais de livres ou films. Et ces quelques jours sur place ont été un choc !

pluvier_auteurs2.jpgPourquoi donc ?
Le Groenland impressionne d’abord par les éléments naturels simples qui le composent. On n’y trouve quasiment pas de végétation, tout est très lunaire. Et puis il y a les icebergs, ces géants immenses et en même temps si fragiles… Ils ne sont pas au même endroit tout le temps, leur forme peut changer à tout moment : ils font un peu penser aux nuages. Cette puissance des éléments nous a écrasés.

Quel accueil avez-vous reçu là-bas ?
C’était la première fois que nous allions au Groenland. Nous étions donc un peu des Bernat en puissance! Heureusement, les gens étaient extrêmement bienveillants. Là-bas, si quelqu’un arrive tout seul et demande une quelconque assistance, il est pris en charge. Nous avons donc discuté avec pas mal de monde, des personnes intéressantes qui nous ont inspirés, notamment un directeur de centre culturel et un instituteur-chasseur-de-phoques-marathonien !

Ce sont justement les relations entre les personnages, dépeintes de façon sensible et juste, qui sont au cœur du livre.
pluvier_maman.jpgIl me semble que nous n’avons pas si bien explicité ces relations : c’est le lecteur qui les rend justes. D’ailleurs, nous avons voulu lui laisser faire sa part du boulot, en évitant de faire parler le personnage du fils en voix off. Cette technique aurait été trop lourde…

Même si c’est au lecteur de donner du sens aux relations des personnages, ceux-ci sont plutôt bien brossés…
Il faut toujours beaucoup travailler les protagonistes. Si on met trop l’accent sur l’intrigue, on se retrouve avec des personnages-marionnettes. Une fois qu’ils sont bien définis, on peut les mettre en scène dans des séquences toutes simples. Et, peu à peu, ils prennent de l’épaisseur.

Comment avez-vous défini l’esthétique générale du livre ?
Erwann avait envie de couleurs. C’est d’ailleurs ce souhait qui a fait renoncer Vents d’Ouest [éditeur d’Erminio le Milanais, la précédente collaboration du trio] à nous publier. Mais nous avons trouvé chez Delcourt un vrai soutien. Nous avons donc choisi d’établir une différence claire entre les séquences dans le Béarn et celles au Groenland : dominante jaune pour les premières, dominante bleue pour les secondes. Au Groenland, tout paraît au début assez monochrome, mais il y a finalement des nuances très importantes.pluvier_papa.jpg

Certains passages sont en noir et blanc, et mettent en scène des créatures étranges…
Ce sont les rêves de Bernat, qui reprennent les figures totémiques du Groenland. Nous avons choisi de ne pas expliquer ces rêves car le personnage, même s’il s’intègre bien sur place et s’imprègne de ce nouvel univers, n’aura jamais toutes les clés pour le comprendre. Nous aussi sommes rentrés avec des interrogations sans réponses sur le chamanisme. Là-bas, il y a des choses dont on ne parle pas…

Vous êtes aussi dessinateur. Ne fut-ce pas compliqué de vous cantonner au scénario ?
L’écriture est un besoin vital pour moi ! Et mon dessin réaliste ne conviendrait pas pour une histoire comme Le Chant du pluvier. Le trait qui cherche à être vrai tend à séduire, à brosser dans le sens du poil, à induire en erreur. pluvier_dieu.jpgCe n’était pas utile pour cet album.

Quels sont vos projets ?
Je souhaite me remettre à un scénario avec Amandine. Et je vais dessiner un volume de la série Destins de Frank Giroud. Il sera scénarisé par Matz et évoquera l’histoire de l’esclavage et les guerres inter-ethnies en Afrique.

Propos recueillis par Benjamin Roure

Images © Delcourt

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Le Chant du pluvier
Par Erwann Surcouf, Joseph Béhé et Amandine Laprun.
Delcourt, 16,95 €, le 22 avril 2009.
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Pour en savoir plus sur l’album et le Groenland, visitez www.lechantdupluvier.com

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