C’est un trépidant voyage dans le nord-est du Kenya — entre l’archipel de Lamu et la ville de Kililana — auquel nous convie Naïm, 11 ans seulement. Avec ce jeune guide, on court dans les rues tandis qu’il essaye d’échapper à son grand frère, qui veut l’obliger à retourner à l’école coranique.

Dans ce foisonnant récit de Benjamin Flao (le dessinateur de La Ligne de fuite et de Mauvais garçons), de nombreux destins se croisent : promoteurs immobiliers à la recherche de champagne frais et de frissons exotiques, mangeurs de qat nostalgiques, filles trop jolies qui rêvent qui rêvent d’Europe. Ajoutez à cette brochette de personnages un trafiquant, qui n’est pas le moins fréquentable du lot. Tous s’agitent dans une chaleur écrasante, tandis que des forces magiques très anciennes sont à l’œuvre.

A la lecture de Kililana Song, on sent immédiatement l’importance des carnets de voyage dans le travail de l’artiste. Il les utilise à la fois comme outils et matière brute, affinée pour réaliser ce roman graphique. Chaque case révèle une intense observation des paysages ; le dessin et les couleurs sont magnifiques, totalement envoûtants — usant du blanc à la manière d’un Pratt pour Corto Maltese. Ce décor sert parfaitement un scénario maîtrisé, à la tension dramatique teintée d’humour et allégée par l’évidente empathie de l’auteur pour ses personnages. Intense, la poésie qui se dégage de ce premier tome — l’attente va être difficile — réveille des vocations de voyageur chez son lecteur. Qui crève de ne pouvoir partir au loin tout de suite, une fois la BD refermée…

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