Kilomètre Zéro #1
Dans les années 1830, la famille Koechlin possède des fabriques et filatures qui font vivre le bassin de Mulhouse et engraissent son compte en banque. À sa tête, l’intransigeant et visionnaire Nicolas Koechlin, qui ne veut pas s’arrêter aux toiles de coton : alors que le rail n’en est qu’à ses balbutiements, il veut construire la plus longue ligne de chemin de fer internationale, entre Strasbourg et Bâle.
Excellente surprise que ce début de trilogie, qui se présente comme la chronique historique d’une aventure industrielle flamboyante. Mais on est loin de l’hagiographie d’un patron ambitieux et tenace, qui a fait fi des scepticismes et des craintes pour imposer sa vision. En effet, en choisissant de suivre en parallèle le destin d’un ado ouvrier et de deux enfants de Nicolas Koechlin — la féministe et protectrice des faibles Salomé, et l’aventurier Léo –, le scénariste Stéphane Piatzszek évite l’écueil du genre, qui l’aurait conduit à un trop plat et attendu « le maître de la filature qui voulait devenir le maître du rail ». On l’a, bien sûr, le récit de cette trajectoire hors du commun, mais on a aussi les drames humains de cette France de la Révolution industrielle, avec le travail des enfants, les maladies professionnelles courantes, le silence imposé aux femmes, les médias à la solde du pouvoir… Et ce, sans être enseveli sous des monceaux de textes. À ce scénario sobre et soigné vient ainsi s’ajouter une mise en scène très inspirée, par des compositions à la fois subtiles et frappantes, et des jeux de regards puissants. Le trait de Florent Bossard, d’un réalisme plus évocateur qu’obsédé par la précision, devient magnétique sous ses ombres inquiétantes et ses décadrages audacieux. Du très beau travail pour dépoussiérer un genre de chronique historique qu’on craignait éculé.
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