Kongo – Le ténébreux voyage de Józef Teodor Konrad Korzeniowski
Jóseph Korzeniowski (le véritable nom de l’écrivain Joseph Conrad), aristocrate polonais désargenté, se rêve en successeur de l’explorateur britannique Stanley. Pensant participer à la « grande œuvre civilisatrice » de l’Afrique, il se fait engager comme capitaine d’un bateau à vapeur qui doit remonter le fleuve Congo.
La réalité de l’aventure (malaria, rivalités entre colons, mépris et cynisme de ces derniers envers les indigènes) frappe le voyageur de plein fouet. Conrad revient dans un état physique et psychologique lamentable, mais doté d’une vision lucide et horrifiée de la présence européenne dans l’État indépendant du Congo : les pires cruautés s’y déploient sous couvert d’un objectif mercantile (fourniture d’ivoire, puis de caoutchouc).
Le scénariste Christian Perissin aime les héros forts (voir sa trilogie sur Calamity Jane), sans se laisser dominer par eux : Conrad est bien montré comme un homme d’un autre temps, persuadé que l’Afrique est une terre préhistorique, mais qui ne cautionne pas la violence impérialiste. Le scénario se nourrit d’une riche documentation (les romans et la correspondance de l’écrivain, des rapports d’époque…) qui le rend complexe et réaliste, et fait apparaître d’autant plus glaçants les personnages de colons. Au dessin, Tom Tirabosco (Sous-sols), avec des crayonnés profonds et âpres, en noir et blanc, sait rendre la fatigue des corps et des regards, et la folie parfois… Un album aussi sombre que le voyage qui inspira Au cœur des ténèbres, le grand roman de la désillusion coloniale, à Conrad.
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