La Désobéissance d’Andreas Kuppler
Le titre annonce la promesse d’un acte fort. Celui d’Andreas Kuppler, journaliste sportif dans l’Allemagne d’Hitler, au moment des Jeux Olympiques d’hiver de Garmisch-Partenkirchen en 1936. Des exploits sportifs, on ne verra rien. Mais on découvrira tout de la mécanique subtile qui transforme Andreas. Les actes de résistance qu’il n’a pas osés, tous les mots qu’il n’a pas dits et les vérités qu’il n’a pas voulu voir. On suit en parallèle le cheminement de sa femme et la situation anxiogène dans laquelle elle se trouve piégée parce qu’elle ne parvient pas à enfanter dans un pays qui prône les valeurs familiales.
Ce scénario, basé sur un roman de Michel Goujon, possède tout d’un grand récit. Le personnage d’Andreas, sa femme, son beau-père et même son rédacteur en chef sont pleinement incarnés. On connaît leurs goûts, leurs états d’âmes, la manière dont ils s’habillent et se lèvent le matin. Cette densité dans l’intrigue tient certainement autant au roman qu’au travail d’adaptation d’Éric Corbeyran (Les Guerres d’Albert Einstein, Liber Pater, Le Cimetière des âmes…).
Le dessin de Manuel Garcia épouse quant à lui parfaitement ce récit violent, dans un registre qui évoque certains romans graphiques américains classiques. C’est d’ailleurs dans les dessins les plus sombres qu’il est le plus convaincant. Les expressions des personnages étant suggérées plus que décrites, leurs visages, griffés par les hachures d’encre, deviennent mystérieux. La mise en couleur de Degreff, toute en subtilité, est également plus vibrante dans les tons unis des scènes dramatiques que dans l’évocation du bonheur perdu d’un ciel bleu sans nuages.
La Désobéissance d’Andreas Kuppler complète sans redondance les récits couvrants la même période, tout en restant transposable à une autre ère, sous un autre joug. Car finalement, c’est l’histoire universelle d’un homme et d’une femme face au choix de la révolte ou de la soumission. En contrepartie, c’est un ouvrage très classique dans sa forme, solide et efficace, mais qui ne surprend ni ne bouscule vraiment.
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