La Farce des Hommes-Foudre
Népal, 1959. Albertus est un jeune beatnik à l’âme révoltée, venu trouver dans les paradis artificiels des drogues un ré-enchantement précaire. C’est finalement l’amour qu’il trouve en croisant le chemin d’une rebelle Khampa, ces nomades tibétains insurgés contre l’envahisseur chinois. Trimbalé dans son sillage, il se découvre une vocation de chamane et fait la découverte, brutale mais émerveillée, de tout un monde en proie à d’intenses bouleversements.
La ligne grasse de Loïc Verdier (alias « Loco » pour les familiers de The Hoochie Coochie), dont c’est ici le premier récit long, paraîtra peu soignée aux amateurs de BD classique. Ce serait pourtant dommage de s’y arrêter : ce parti pris graphique qui, en délaissant les détails, ne perd pas de temps et va à l’essentiel, appuie un récit prenant, bien écrit et équilibré. L’univers nomade surtout, admirablement maîtrisé par Loïc Verdier comme par son co-scénariste, le photo-reporter Matthieu Alexandre, est un vrai dépaysement. Les personnages, drôles et attachants, sont très réussis – en particuliers les Khampas, ce qui est assez remarquable si l’on considère la distance culturelle qui nous en sépare. De plus, ils parviennent à aborder la culture tibétaine, tout comme le moment historique, en évitant habilement les stéréotypes autant que le manichéisme.
Certes, l’ensemble est loin d’être parfait. Avant de rentrer pour de bon dans l’histoire, il faut ainsi passer d’abord à travers 50 premières pages poussives, et l’on peut regretter une chute un peu abrupte, bien que guidée par une envie de bien faire. Et entre les deux, l’aventure ne souffle que modérément, alors qu’elle est l’objectif affiché au départ. Le fait que le récit ait tendance à glisser vers la parlotte indique peut-être que, à force de faire attention à ne pas trahir une culture étrangère et son histoire, les auteurs ont fini par utiliser l’aventure comme prétexte à parler des Khampas, et non l’inverse. Mais bon, c’est si on veut faire le difficile. Car malgré sa perfectibilité, La Farce des Hommes-Foudre est un récit fort et entraînant, et pour ses auteurs, un pari réussi.
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