La fascinante exposition Moebius à la Fondation Cartier
On connaît bien Jean Giraud/Moebius, père de Blueberry et du Major Gruber. Ou du moins, on croit le connaître. L’exposition Moebius – Transe Forme, organisée par la Fondation Cartier pour l’art contemporain, ouvre une porte sur l’imaginaire foisonnant et fascinant d’un grand artiste, qui va bien au-delà de la bande dessinée.
Quelle que soit la façon d’aborder cette exposition, on est immédiatement happé par les différents univers de Moebius. La thématique générale de la manifestation est d’ailleurs la métamorphose, la dualité. A l’image de cette série de dessins sur calque, où un alter-ego de Moebius se mue en une chose flasque, puis minérale, qui devient un roc colossal, lequel se change en oeuf, avant d’éclore et de donner naissance à un nouveau personnage. Gir, c’est ça : un artiste qui, depuis le début de sa carrière dans les années 60, n’a cessé de se remettre en question, de repousser les limites et de s’interroger sur lui-même, en tant qu’homme et plasticien. Et sans jamais trop se prendre au sérieux.
On rit ainsi beaucoup dans l’exposition, notamment face à une de ses toiles, inspirée d’Alice au pays des merveilles, dans laquelle un lapin géant poursuit, dans un désert, les héros de Moebius. Ou devant les reproductions géantes de dessins en noir et blanc, figurant les mondes à la limite du psychédélisme (voir la référence à Pravda la survireuse, de Guy Peellaert) dans lesquels il navigue depuis son trip chamanique mexicain dans les années 60.
Puis, à travers une impressionnante série d’images et de documents, on découvre l’immense oeuvre de science-fiction du maître. Ses décors pour des jeux vidéo, son travail sur les costumes d’Alien et sur une adaptation de Dune avec Jodorowsky (qui ne verra jamais le jour; mais la rencontre avec le scénariste donnera naissance à une série culte, L’Incal), son visionnaire court-métrage en images de synthèse produit en 1990 (pour rappel, le révolutionnaire Toy Story n’est sorti qu’en 1995…), ses créations pour Le Cinquième Élément de Luc Besson, ses travaux autour de Star Wars… On perçoit alors l’influence considérable qu’a eue Moebius sur un demi-siècle d’esthétique SF, imposant, en quelque sorte, des normes visuelles et formelles (costumes, décors, véhicules…) devenues incontournables.
À noter également que Moebius, geek avant l’heure, a eu très tôt un attrait pour les nouvelles technologies, expérimentant le traitement d’images avec l’antique Amiga (pour un résultat assez flippant) ou utilisant le logiciel Flash pour des dessins animés courts. Mais, côté dessin, c’est encore avec des outils traditionnels qu’il est le plus impressionnant.
Ainsi, il est difficile de rester insensible devant les majestueuses planches originales et aquarelles de Blueberry, ou devant son travail plus introspectif sur Inside Moebius. La scénographie est habile: on regarde ces dessins présentés à plat dans une élégante vitrine bien éclairée, serpentant dans le rez-de-chaussée de la Fondation Cartier, comme le fameux ruban de Möbius (figure mathématique d’un ruban entortillé sur lui-même, dont s’est inspiré Jean Giraud pour choisir son pseudonyme; pour en savoir plus, rien de tel que Wikipédia). Et l’on est accompagné, au fil de la déambulation, par la voix du maître, évoquant son parcours, ses inspirations et des anecdotes à travers de petits haut-parleurs placés au-dessus des vitrines.
Enfin, l’une des découvertes les plus extraordinaires de Transe Forme est sans aucun doute les carnets de Moebius. L’un est un bestiaire martien, comptant une centaine de pages de créatures délirantes. L’autre, et le plus fascinant, est une aventure mentale du Major Gruber, dessinée de manière extrêmement fine et avec moult détails dans un carnet minuscule. Un travail proche de l’écriture automatique, sur un support simplement destiné à recevoir le trop-plein de créativité d’un auteur inondé d’imagination. Une perle rare, à l’image de cette exposition, à voir absolument.
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Moebius Transe-Forme.
Jusqu’au 13 mars 2011.
Fondation Cartier pour l’art contemporain
261 bd Raspail, 75 014 Paris.
Tél : 01 42 18 56 50.
Tous les jours sauf le lundi, de 11h à 20h, et le mardi jusqu’à 22h. 5,50 – 8,50 €.
Plus d’infos, des dessins et une interview vidéo de Moebius sur le site de la Fondation.
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