La Mort rose
Un virus terrible, surnommé « la mort rose », sévit sur toute la planète depuis de nombreuses années. Pas de vaccin, pas de traitement fiable : l’humanité est contrainte de vivre sous cloche, chacun chez soi, et en combinaison intégrale pour tout déplacement. Miguel s’est résigné : professeur à distance pour une classe d’élèves qu’il n’a vus que par écran interposé, il ne voit pas trop comment trouver à s’épanouir. Jusqu’à ce qu’il rencontre Gloria par une appli, qui va lui faire découvrir toute une scène d’artistes alternatifs, des paradis sans combi pour citoyens friqués et des contestataires prétendant que le virus n’existe pas…
Jaume Pallardó a entamé cette histoire de pandémie bien avant que celle de Covid-19 frappe la planète. Sa sortie en Espagne a donc devancé la vague virale qui perdure actuellement, et sa signature pour une adaptation française chez la Cafetière date de quelques semaines avant le confinement de 2020. Ses fulgurances d’auteur le posent donc, d’une certain manière, en visionnaire d’un monde rongé par un virus, mais les comparaisons avec la réalité de la situation contemporaine doivent s’arrêter là. Car Jaume Pallardó construit ici une vraie dystopie, en poussant le curseur totalitaire dans tous les domaines : les médias sont quasi absents de sa vision, les relations sociales très codifiées, même dans les espaces de « liberté », les hommes et femmes semblent amorphes et totalement vidés d’espoir et de sentiment de révolte. La résultante d’une société qui vit le confinement strict depuis plusieurs années. Alors, même si son scénario et son dénouement pourraient le poser en tenant de thèses complotistes ou anti-vax, il n’en est probablement rien, car il assume sa position d’auteur de SF imaginant le pire.
Au-delà de ces choix, La Mort rose demeure une oeuvre intelligente et pleine de promesses, au dessin sobre et efficace, intéressante à bien des égards mais qui pêche, d’une part, par une trop grande lenteur dans le déroulement de son récit, et d’autre part, par un manque de développement de certaines idées. On passe trop de temps à entendre les inquiétudes et atermoiements du héros, et pas assez à entrevoir les entrelacs de la dictature en place. Les références à LA dystopie littéraire, 1984, sont criants, mais l’auteur ne s’en départ pas suffisamment pour proposer une vision plus personnelle et originale. Un peu frustrant.
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