Dans un monde en guerre, deux gamins fuient une mort certaine. Ils bravent les forêts inquiétantes, la neige abondante, la faim. Ils tentent d’éviter les armées meurtrières, les dragons dévastateurs. Ne veillent sur eux que deux créatures sans doute imaginaires, un robot détraqué et un hérisson géant. Jusqu’à ce qu’ils croisent un groupe de survivants. Pour un nouvel espoir ?

David Chauvel, habile éditeur des séries concept Sept ou La Grande Évasion, ainsi que d’auteurs phares de chez Delcourt comme Sybilline ou Alfred, est aussi un scénariste malin. Il le démontre à nouveau ici, avec ce gros volume en forme de fuite en avant : celle de deux frères qui n’ont d’autres choix que d’avancer pour survivre, dans un monde qu’on imagine médiéval avant d’entrevoir des dragons dans le ciel. De la fantasy donc? Sombre alors, très sombre. Et aussi étrange, avec ces créatures qui accompagnent le jeune Oto, dont on ne sait jamais vraiment si elles sont réelles ou le simple fruit de son imagination, comme des échappatoires au monde palpable. Au-delà de la formidable chute dont on ne dira rien – si ce n’est bravo, car des BD qui possèdent une chute qui éclaire le tout sans renier le cheminement, c’est tellement rare, que celle-ci fait un bien fou –, La Route de Tibilissi est un grand album d’ambiance, notamment grâce au dessin incroyablement détaillé d’Alex Kosakowski. Un artiste californien oeuvrant d’ordinaire dans le jeu vidéo, et qui démontre ici une maestria impressionnante, surtout pour une première incursion dans la bande dessinée. Son trait offre une belle synthèse entre finesse européenne, efficacité japonaise et solidité américaine, idéale pour l’histoire imaginée par David Chauvel. Voilà donc une des plus chouettes surprises du printemps. Chaudement recommandée.