La Vie souterraine #1
Paris s’apprête à vivre une funeste bascule: alors que cette fin des années 1930 voyait s’épanouir une scène artistique éblouissante et un monde du cinéma en plein essor, ce bouillonnement créatif va exploser avec la déclaration de guerre, la rapide défaite et l’Occupation nazie. Délation, persécution, lois anti-juives, l’horreur devient le quotidien de la France de ce début des années 1940. Mais dans le même temps, des réseaux de résistance se tissent, des prisonniers ou des figures traquées réussissent à s’évader, des maquis se constituent…
Entre fiction tourbillonnante et documentation dense, ce premier tome d’une trilogie annoncée bouscule le récit historique d’Occupation et de résistance. S’inspirant d’événements réels (l’attaque du train de la Banque de France en 1944 par des organisations de résistance), Camille Lavaud Benito brosse des portraits virevoltants et des événements enchâssés les uns dans les autres, entre Paris et la Dordogne, les rues parisiennes occupées et les maquis forestiers. Allers-retours permanents, saut d’un lieu à l’autre sans presque prévenir, l’autrice use d’une mise en scène jamais vue, comme un patchwork permanent et évolutif, au sein de planches hyper chargées. La narration est rarement linéaire, parfois même en diagonale, les cases se chevauchent comme des actions qui se dérouleraient en parallèle… Le résultat est touffu, pour ne pas dire étouffant. Éreintant, même par moments, et à d’autres, heureusement, lumineux.
Inspiré par le cinéma de l’époque autant que par les faits historiques, cet album crée un maelström de soubresauts et d’émotions aux frontières de l’expérimentation formelle et de la BD. Dans un noir et blanc entre hachures, lignes fortes et lavis, avec des explosions de couleurs inattendues, il est parfois difficile de reconnaître les personnages ou les lieux, de lire le texte dans le bon ordre, de saisir l’enchaînement des actions. Mais qu’importe, le souffle général l’emporte tout comme l’audace d’une autrice qui ré-imagine cette période mille fois contées. Radicalement différent de Des vivants, peut-être moins maîtrisé aussi, mais pas moins intéressant.
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