La Voix des bêtes, la faim des hommes
Brunehilde est une guérisseuse, une meneuse de loups. Une femme libre et indépendante, appréciée de certains pour sa connaissance des plantes et et des onguents, mais crainte et rejetée par beaucoup dans ce sombre Moyen Âge. Elle arpente ainsi les Causses du Quercy, rencontre un attachant vagabond, et découvre sur sa route des enfants mutilés. On accuse une bête, un loup. Brunehilde n’y croit pas, car elle sait les animaux exempts de cruauté et de vice. Contrairement aux hommes…
Fasciné voire obnubilé par la figure de la sorcière, et surtout par les mythes et rituels chrétiens, dans leur part la plus obscure et la plus violente (physiquement comme moralement – déjà dans sa première BD Oklahoma Boy), Thomas Gilbert clôt ici un cycle aussi ambitieux que bancal, débuté par le brillant Les Filles de Salem et poursuivi par le repoussant Nos corps alchimiques. Il choisit ici une forme de fiction plus classique pour explorer ces thèmes de prédilection : un voyage, des crimes, une quête, un affrontement. Cela fonctionne parfaitement, les événements s’enchaînant avec fluidité, dans une alternance bien maîtrisée entre moments d’introspection et déferlement de violence. Il peut ainsi développer un beau personnage féminin, trouble et complexe, incarnant subtilement une forme de liberté impossible pour l’époque. Et il a aussi l’occasion d’interroger le lien des humains avec la nature et les animaux en particulier, de triturer la question de la domination et de la peur. C’est intelligemment fait, au sein d’une histoire haletante, portée par un dessin expressionniste qui se défait de la tentation d’en faire trop. C’est ce Thomas Gilbert-là qu’on aime.
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