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Lambil raconte sa vie dans l’ombre des « Tuniques bleues »

15 décembre 2020 |

9791034747580Dupuis publie un épatant livre d’entretiens de Willy Lambil avec Christelle et Bertand Pissavy-Yvernault, pour retracer la carrière d’un dessinateur finalement méconnu.

Dessinateur phare de l’école de Marcinelle, Willy Lambil ne vient cependant pas de la génération des Franquin, Peyo ou Morris. Arrivé un peu près, mais avant les rénovateurs comme Yslaire ou Frank, il a souvent été laissé un peu entre deux rives, malgré un succès public énorme et une série parmi les plus emblématiques du catalogue Dupuis : Les Tuniques bleues. Une réputation d’homme bougon n’aimant pas être dérangé s’est ajoutée à cette semi-ignorance critique. Une situation plutôt dommageable face à une œuvre de plus de 80 albums, débutée alors qu’il n’est qu’un grand adolescent rêvant de suivre les traces de Jijé, entrant pour cela comme lettreur dans les imprimeries du journal de son enfance.

L’initiative d’un gros livre d’entretien – près de 190 pages étendues sur trois ans d’échanges – est donc bienvenue. Ce travail a été confié au couple Pissavy-Yvernault, historiens maison et spécialistes des coulisses du journal de Spirou. Publié par Dupuis, cet ouvrage est donc une histoire officielle, mais où la liberté de l’interviewé ne semble pas le moins avoir été bridée. Et pour cause, Lambil apparaît conforme à sa légende, n’hésitant pas à aller contre une image dorée d’une grande famille de la BD.

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Ainsi, il rappelle sans fard qu’il y avait chez Dupuis les auteurs à succès et les autres, auquel il a longuement appartenu avant de rejoindre la première catégorie. Et il ne masque pas que les rapports à un éditeur sont d’abord des rapports d’employés avec un patron. De plus, il ne cache pas des regrets, comme celui de s’être laissé allé à une spirale d’autocaricature avec Pauvre Lampil, à tel point que certains ne distinguaient plus la fiction du réel. Parfois, au fil des pages, on voit même des contradictions qui désarçonnent les intervieweurs, mais cela ne fait que rendre encore plus humain un auteur à la franchise désarmante qui consacre sa vie à sa tâche, et au dessin.

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Car derrière ces saillies qui seront forcément remarquées, et ne manquent pas d’intérêt pour sortir des discours policés, on a aussi tout le témoignage d’un homme qui a toujours voulu faire de la bande dessinée et a vu des décennies de transformation. Lambil n’est jamais aussi passionnant que lorsqu’il se laisse emporter, difficilement mais avec succès, vers son approche plastique. Il développe ainsi d’intéressantes réflexions sur la place du noir dans l’équilibre d’une case, ou sur la difficulté de composer des planches qui peuvent présenter trois pages de dialogues sans lasser le lecteur. On sourit aussi en voyant un Charles Dupuis rechignant à payer au même prix un dessin « pas assez rempli » de traits, quand Lambil défend une rythmique de lecture alternant les approches graphiques. Le dessinateur, qui s’estime de plus en plus laborieux, n’a pourtant rien d’un économe, et laisse souvent la nature s’ébattre dans ses cases, souvent sans lien avec l’histoire, mais avec une limpidité de trait qui réussit à renouveler sans distraire du fond.

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Le livre, préfacé par Blutch, qui rend un légitime hommage à son inspirateur de pseudonyme, n’est pas une monographie détaillant les multiples facettes du talent de ce dessinateur modeste, qui paraît étrangement avoir peu confiance en lui. Ce livre reste à écrire, en creusant de nombreuses intuitions évoquées par les Pissavy-Ivernault, perche que Lambil a plus ou moins saisie selon l’occasion. C’est par contre un vrai plaisir de lecteur pour quiconque a cavalé avec les Tuniques bleues (voire traversé l’Australie de Sandy et Hoppy), amenant nombre d’informations inédites sur le parcours d’un homme sincère et touchant, qui gagne à être découvert, quand bien même il semble y être rétif.

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Willy Lambil, une vie avec les Tuniques bleues.
Entretiens avec Christelle et Bertand Pissavy-Yvernault
Dupuis, 210 p., 39 €.

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