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Laurent Galandon et le génocide arménien

30 avril 2010 |

galandon_introEn une poignée d’années, Laurent Galandon s’est imposé comme un scénariste exigeant et habile, auteur d’oeuvres poignantes souvent basées sur des drames historiques. Après la Shoah dans L’Envolée sauvage ou la guerre d’Algérie dans Tahya El-Djazaïr, il explore le génocide arménien par l’armée turque en 1915. Dans Le Cahier à fleurs, un diptyque dessiné par Viviane Nicaise, cet ancien photographe et patron de salle de cinéma revient sur le premier génocide du XXe siècle, avec retenue et émotion, et un vrai sens du romanesque. Rencontre avec un auteur engagé, qui ne cesse d’explorer les traumatismes de l’Histoire.

galandon_peurComment vous êtes-vous intéressé au génocide arménien ?
Lors de mes recherches documentaires sur L’Envolée sauvage, qui évoque la Shoah, je suis tombé sur cette phrase d’Hitler : « Qui se souvient du génocide arménien ? » J’ai été frappé par cette sentence, qui induit que chaque génocide porterait en lui la genèse du suivant… Je connaissais vaguement l’histoire du génocide arménien de 1915, et je me suis plongé dans des livres pour en savoir plus.

Quelles ont été les principales difficultés pour composer ce récit ?
Les faits étant établis, c’est l’iconographie qui manque le plus sur un tel sujet. Heureusement, il existe deux ou trois films qui permettent de mettre des images sur cette époque. Mais les détails des décors ou des costumes importent finalement assez peu sur Le Cahier à fleurs : je ne cherche pas l’exhaustivité, je veux avant tout raconter l’histoire de mes personnages. Je m’inscris dans une veine romanesque, mon décor à moi, c’est l’Histoire.

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Comment montrer l’horreur du génocide ?
Dans L’Envolée sauvage, j’avais pu me permettre de ne pas montrer en détails les camps, car ce sont des images bien connues du public. Il était possible d’établir une certaine distance. Or, pour le génocide arménien, qui est moins familier pour la plupart des gens, j’ai choisi d’être plus cru, de placer quelques images violentes pour créer un choc. galandon_dieuMais attention, dans le premier tome, il n’y a pas plus de cinq ou six pages de massacres. Je pense que ça suffit.

Paolo Cossi a également traité du sujet dans Medz Yeghern – Le Grand Mal. Que pensez-vous de sa BD ?
C’est un livre qui donne beaucoup plus de détails sur les événements que moi dans Le Cahier à fleurs. Sur les séquences de massacre, il a choisir d’y aller franco, de montrer frontalement certaines atrocités. Je trouve que cela fait perdre un peu de vue les personnages, mais c’est un choix courageux et intéressant.

La plupart de vos albums ont un important fond historique, on y apprend plein de choses. Faites-vous de la bande dessinée pédagogique ?
Non, pas vraiment. L’Histoire des XIXe et XXe siècles m’interpelle et me sert de terreau pour mes histoires. Car j’ai plein d’envies, mais j’ai besoin d’avoir une base solide pour me lancer dans l’écriture. Quand je me documente, j’apprends énormément et j’ai envie de faire connaître ces découvertes à mon tour. Mais je pense que le côté pédagogique de mes BD disparaît assez vite derrière le romanesque. Parce que j’ai besoin de vivre avec mes personnages, d’être ému avec eux.

Ne craignez-vous pas que le romanesque prime trop et que les decteurs qui ignoreraient l’existence du génocide arménien imaginent que tous les événements décrits relèvent de la fiction ?
galandon_massacreJe ne me suis pas vraiment posé la question comme cela… Je pense que l’ouvrage sera suffisamment bien présenté pour qu’aucun doute ne soit pas permis.

La guerre d’Algérie dans Tahya El-Djazaïr, les grèves de mineurs dans Quand souffle le vent, Mai 68 dans L’Enfant maudit… Vous abordez des moments difficiles de l’Histoire, de France notamment. Vous considérez-vous comme un auteur militant ?
Oh non ! Je passe mes journées assis dans mon canapé, à lire et à écrire :  c’est un militantisme bien relatif ! Je ne fais qu’apporter ma petite pierre, très humblement.

Quels sont vos projets ?
Outre les suites du Cahier à fleurs, de Shahidas, de L’Enfant maudit et de Tahya El-Djazaïr, j’ai écrit Les Innocents coupables : une trilogie qui se déroule dans les bagnes pour enfants au début du XXe siècle. Elle paraîtra chez Bamboo et sera dessinée par AnLor, dont c’est la première BD. Au Lombard, avec Kas au dessin, je prépare La Reine Apache, un diptyque autour du personnage d’Amélie Elie, plus connue sous le surnom Casque d’or. Je scénarise aussi La Vénus du Dahomey, un récit sur les zoos humains à la fin du XIXe siècle en deux parties, dessiné par Stefano Casini à paraître chez Dargaud. Et enfin un diptyque chez Bamboo, sur le retour d’une gueule cassée dans son village : un récit intimiste intitulé Pour un peu de bonheur, dessiné par A.Dan, avec qui j’ai travaillé sur Tahya El-Djazaïr.

Propos recueillis par Benjamin Roure

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Le Cahier à fleurs #1.
Par Viviane Nicaise et Laurent Galandon.
Bamboo/Grand Angle, 12,90 €, le 7 avril 2010.

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Images © Nicaise/Bamboo – Photo © Laurent Mélikian pour Bamboo Édition

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