Le Chat noir
Célébrant leurs 20 ans d’existence en 2023, les éditions IMHO ont repris un rythme de publication soutenu depuis l’année dernière. Pour fêter l’événement comme il se doit, l’éditeur annonce une année faste en nouveautés, mais aussi en retour d’auteurs cultes. Parmi ceux-ci, Hideshi Hino faisait partie des premiers à rejoindre le catalogue underground de l’éditeur avec les glaçants Panorama de l’enfer et Serpent rouge, deux classiques de l’horreur. Après la parution en 2012 du dérangeant L’enfant insecte, une adaptation à sa manière de La Métamorphose de Kafka, c’est avec un bonheur que l’on peut enfin goûter à d’autres créations d’un des grands maîtres de l’horreur japonais aux côtés de Kazuo Umezz et de leur fils spirituel Junji Itō.
Ce ne sont pas moins de 3 œuvres du mangaka qui viendront compléter le catalogue cette année, et pour ouvrir le bal, l’éditeur préfère y aller en douceur avec ce qui est à ce jour son titre le moins terrifiant disponible en France : Le Chat noir. Comme dans nos contrées, les félidés à la robe noire portent la poisse. En plus, celui qui nous accompagne le temps de cinq chapitres est né dans une décharge de zone industrielle. Laissé à lui-même alors que ses frères et sœurs, plus mignons que lui, sont recueillis, il s’en va parcourir le monde des humains pour en comprendre un tant soit peu leur singularité. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’au gré de ses pérégrinations il sera servi, car on suit la vie de quatre personnages comme autant de portraits de l’étrange nature humaine.
Alors que l’auteur nous avait habitués jusqu’ici à ses représentations horrifiques, il laisse ici surtout place à son nihilisme et son goût pour la satire. Jamais aussi répugnant que d’accoutumée, son dessin noir se fait caricatural et démonstratif, exacerbant les émotions et le quotidien désenchanté d’un clown sans numéro, d’un mangaka pour le moins perché, d’un enfant mal dans sa peau et de papis-mamies en constante querelle.
Explorant l’esprit humain dans sa bizarrerie et sa noirceur, Hideshi Hino se place du côté du gekiga pour retranscrire le dur quotidien de quelques individus aux destinées tantôt cocasses, tantôt tragiques et immuablement accablantes. C’est au travers des yeux de l’animal, et donc avec une grande naïveté et objectivité, que l’on découvre un instant de leur vie, celui où leur morne quotidien bascule vers l’hystérie.
© Hideshi Hino, 1979 – Traduction : Léopold Dahan
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