Le Crépuscule des idiots
Agacé par des gamins qui prient, le vieux singe Fukuto décide de raconter aux plus jeunes l’histoire de son peuple. Et plus précisément celle de son congénère Nitchii. Tout commence lorsqu’un macaque débarque en affirmant propager la parole de « Diou ». Le prophète Rhésus — c’est son nom — bouscule l’ordre établi sur ce bout de terre hostile, glacé, où le violent Taro impose la loi du plus fort. « Diou sait mieux, si tu ne sais pas pourquoi tu fais une chose, Diou le sait, lui », affirme le nouveau venu. La majorité des singes, crédule, le suit. L’infâme Taro, dont Nitchii convoite la compagne Hisayo, s’oppose au nouveau venu et se retrouve banni. Tandis que Nitchii le joli coeur prend le pouvoir.
« Il semblerait que Diou se mette à exister dès lors qu’on y croit », note malicieusement le narrateur de cette parabole dévoyée, où l’on célèbre la Sainte Banane. Car tout va s’enrayer, bien sûr : Rhésus va disparaître, Taro revenir en prônant des mesures ultra cruelles (chacun doit se crever un oeil en signe d’allégeance à Diou)…
Avec ce pavé — de près de 300 pages— ambitieux, Jean-Paul Krassinsky (Sale bête, Toutoute première fois…) signe une oeuvre aux accents humoristiques, mais finalement profondément nihiliste. Il effectue beaucoup d’allers-retours dans le temps, au risque de parfois brouiller les pistes. Mais il retrouve son chemin vers la noirceur, et la dénonciation de la crédulité animale — ou humaine, c’est à s’y méprendre. Graphiquement, son trait anguleux s’enrichit d’une belle palette de couleurs et de matières, lorgnant vers l’estampe japonaise. A la fois sombre et somptueux, ce Crépuscule des idiots amuse d’abord, avant de laisser sourdre un habile malaise.
Publiez un commentaire