Le Dragon ne dort jamais
Dans la Bohême du XIe siècle, au fin fond de la campagne loin de Prague, le chevalier Albrecht tente d’installer un village. Mais la forêt est profonde et les vallées plus hostiles que prévu : les deux serfs Pavel et Mikulas ont même aperçu au fond d’une ravine un dragon, un vrai, un qui crache du feu ! Faut-il s’en débarrasser quitte à y laisser sa peau ? Ou fuir et oublier ces contrées maudites ?
Inspiré d’une légende tchèque, ce conte fantastique est une des vraies curiosités de ce printemps. Porté par un dessin expressionniste bizarre, aux anatomies volontiers difformes, aux visages distordus et aux couleurs d’automne funèbre tout en aquarelles subtiles, au sein d’un découpage curieux dans des planches horizontales, ce gros volume rend un bel hommage aux récits médiévaux.
On y retrouve une certaine exubérance des sentiments et réactions, une inquiétante étrangeté qui sourd de chaque page, des protagonistes bêtes, retors, dangereux, imprévisibles – un colporteur de visions du futur, un faux prédicateur et sa prétendue vierge à sacrifier, le manipulable paysan Mikulas qui s’enivre de pouvoir, l’amour d’enfance d’Albrecht qui débarque d’on ne sait où, épée au poing ! –, dans un petit théâtre infernal, concrétisation de visions chrétiennes de l’enfer. Surtout, les auteurs mettent en scène avec brio la folie collective face à un danger, la vitesse de la rumeur et la puissance de persuasion d’un personnage charismatique sur des masses apeurées. Les quelques longueurs, incohérences de scénario et errances de mise en scène se diluent alors dans la bizarrerie générale, pour une expérience de lecture étonnante.
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