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Le Grand Vide

8 septembre 2021 |
SERIE
Le Grand Vide
DESSINATEUR(S)
SCENARISTE(S)
EDITEUR(S)
PRIX
25 €
DATE DE SORTIE
20/08/2021
EAN
2901000703
Achat :

le-grand-vide-image1Manel Naher se cherche : éponge à mots et à textes, elle aspire à lire tout ce qui lui passe par la main. Tout, sauf les noms propres qui défilent sous ses yeux pendant son travail – oui, son travail consiste à lire des patronymes. Car dans le monde de Manel, les humains ne survivent qu’en étant dans les pensées des autres. Si personne ne sait votre nom, ni ne le voit de temps en temps pour songer à vous : fini, terminé, vous cessez de fonctionner, de vivre. Hélas, Manel, avec son attitude délibérément décalée voire misanthrope – elle n’a que deux proches amis – n’a pas beaucoup de réserve de « présence ». Un jour, elle découvre qu’une chanteuse célèbre porte le même nom qu’elle. Ça l’étonne, la fait sourire, l’énerve… Et surtout, sa « présence » à elle en pâtit mécaniquement. Va-t-elle disparaître? Ou aura-t-elle assez d’énergie pour rejoindre une zone légendaire déconnectée de ces contingences de cote de popularité, baptisée Le Grand Vide ?

Attention, grosse claque. L’album le plus étonnant et ébouriffant de la rentrée BD est sans doute là. Premier livre de Léa Murawiec, jeune diplômée de l’EESI d’Angoulême, ce Grand Vide offre une expérience de lecture puissante, sensorielle, troublante. L’idée de départ est, déjà, vertigineuse : si on vous oublie, vous mourrez ; si personne ne vous identifie, vous disparaissez. À l’heure d’une surmédiatisation du « je » et de l’intime, où le personnel devient argument professionnel, notamment par la multiplication des réseaux sociaux et leur imbrication dans chaque phase du quotidien des citoyens, ce concept de survie par la popularité fait froid dans le dos. Oscillant entre comédie loufoque et dystopie austère, l’autrice brouille les pistes, se défait des références dont on la sent imprégnée, et trouve sa propre voie/voix narrative et graphique pour développer sa fascinante histoire. Il y a du Blutch, du Émilie Gleason, du Max de Radiguès dans la bande dessinée de Léa Murawiec, mais aussi une énergie puisée du côté du manga. Mais son trait d’une immense souplesse, son sens du découpage, son jeu avec les codes graphiques et typographiques, son usage sobre subtile de la couleur (bleu, rouge), toutes ces armes visuelles impressionnent par leur pertinence et leur efficacité, et surtout parce qu’elles sont siennes. Au service d’un conte sombre et déstabilisant, qui marquera bien au-delà de 2021.

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