Le Jeune Acteur #1
A 14 ans, il rêvait de faire un film d’action. Raté, Vincent Lacoste sera révélé par un film générationnel drôle et intimiste à la fois, qui saisit savamment le malaise sexuel de l’adolescence. En 2008, quand il cherche un acteur principal pour son premier long-métrage, Les Beaux Gosses, Riad Sattouf remarque lors du casting « un jeune avec une bouche de téteur », qu’il a de prime abord écarté. Un garçon « introverti, raide et mou à la fois », pas mauvais, mais pas « éblouissant non plus ». Faute de mieux, il le revoit, trouve son premier essai « incroyablement mauvais et outrancier ». Puis s’attache à ses qualités, trouve qu’une alchimie naît avec les autres comédiens, et l’engage — même s’il le trouve « un peu trop beau » pour le rôle.
Le film sera un succès, et le flegme drolatique de Vincent Lacoste explosera au cinéma (notamment dans Hippocrate, Victoria, Amanda, Chambre 212 ou, récemment, Illusions perdues). La relation entre Riad Sattouf et Vincent Lacoste ne se résumera pas à une découverte : du jeune homme, l’auteur de BD devenu cinéaste fait une sorte de double de cinéma, son Jean-Pierre Léaud à lui, explique-t-il presque penaud d’oser se glisser ainsi dans la peau de Truffaut. Il le refait tourner dans Jacky au royaume des filles en 2014. Dans l’intervalle, il n’a pas lâché l’ado, conservant la posture protectrice qu’il a adoptée pendant le tournage — il faut le voir le prévenir avec force des dangers de la drogue et de l’alcool, tel qu’il se met ici en scène.
De cette relation au long cours, l’auteur de L’Arabe du futur et des Cahiers d’Esther tire ce Jeune Acteur, premier volume d’une série qu’on espère longue et nourrie. Car le portrait de Vincent Lacoste ici tracé est drôle et tendre, parfois caustique. Riad Sattouf s’égratigne parfois lui-même (jamais très profond, mais suffisamment pour s’exposer lui aussi, un peu, comme dans un souci de réciprocité). La ligne est toujours claire et fluide, le récit rythmé, les couleurs adoptées — jaune pour le récit de l’acteur, bleu pour le point de vue de l’auteur et réalisateur — se font efficacement narratives. Et l’album se dévore avec une délectation certaine.
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