Une promenade lettrée, profonde, un brin badine, mais aussi et surtout désabusée. Voilà à quoi Fred (Philémon) nous invite, un an après son décès. Déjà publié par Flammarion en 1998, l’ouvrage est ici réédité par Dargaud dans une version fidèle au format des planches originales – créées chaque semaine pour le quotidien Le Matin.

« Fred appréciait Jules Renard à la fois parce que la vie de cet homme fut singulière (…) et parce que son oeuvre, pleine d’esprit, jetait un regard amusé et sans complaisance sur ses pairs. Tendre et cruel à la fois : Fred se reconnaissait dans son écriture« , précise en post-face l’éditeur François Le Bescond. En adaptant très librement Le Journal de Jules Renard, l’artiste entraîne son lecteur dans une longue balade à travers la campagne. Tout en cheminant, Renard devise largement avec un corbeau. L’auteur de Poil de carotte égrène des maximes sur le talent, le succès, les relations amicales ou familiales. En philosophe du quotidien, il établit qu’ « un homme libre, c’est un homme qui sait refuser une invitation à dîner sans donner de prétexte ». Ou assène qu’ « un ami ressemble à un habit, il faut le quitter avant qu’il ne soit usé, sans cela c’est lui qui vous quitte ».

Profondément ironique (Renard dit par exemple aimer les livres des autres « surtout quand [il] en voi[t] les défauts »…), l’album se montre aussi éminemment esthétique. Fred dessine avec grâce des cieux au soleil couchant, des éclairs qui blessent les arbres, des étoiles qui éclairent les protagonistes… Sa science du cadrage est saisissante : s’il se montre moins audacieux que dans Philémon, l’artiste joue avec les cases, étire son dessin ou le répète à des échelles diverses, obtenant des effets remarquables. Un travail enchanteur, imprégné d’absurde et de poésie.

——————————–

Le Journal de Jules Renard lu par Fred
Par Fred.
Dargaud, 13,99€, le 17 janvier 2014.

——————————–