Le Monde de Pickto
Un beau prince charmant est en quête d’une princesse. Seulement il est perdu et demande au premier venu s’il ne pourrait pas l’aider à retrouver son chemin. Par malheur, le manant sur lequel il tombe est mal intentionné : après l’avoir fait boire jusqu’à plus soif, il lui subtilise couronne, costume et destrier pour mener une vie qu’il n’aurait jamais pu vivre.
Voilà presque 14 ans que Michel Alzéal n’avait pas sorti de nouvel album en solitaire ! Pas étonnant de découvrir que son dessin a énormément évolué. Sans encrage, ses aplats de couleurs numériques aux teintes bleues et jaunes sont à la fois modernes et faciles d’accès. Son histoire également n’a rien à voir avec ce qu’il nous avait proposé jusque-là. Construite autour d’une contrainte formelle tenue de bout en bout, sa bande dessinée est exempte de toute parole durant ses 62 planches. Ses personnages s’expriment tout de même au travers de bulles, mais à la place des textes l’auteur emploie une ribambelle de pictogrammes immédiatement compréhensibles.
Après l’agréable surprise suscitée par ce concept original, on se dit que le procédé tiendra difficilement sur la longueur. Pourtant il n’en est rien ! Michel Alzéal parvient à se renouveler en utilisant notamment humour de répétition, jeu de découpage, de mise en scène et en faisant évoluer son approche avant tout lassitude. Dans le même temps, il exploite de nombreuses manières le médium et ses possibilités à l’échelle de la case ou de la planche. Sans pour autant abuser d’artifices, il réussit à lier ses différentes expérimentations pour qu’elles deviennent un moteur narratif en elles-mêmes.
L’auteur réussit non seulement son coup sur la forme, mais parvient dans le même temps à écrire un anticonte de fées médiéval convaincant. Il y détourne les règles et attentes des lecteurs en s’amusant des codes du genre, en faisant intervenir des personnages connus de tous et en empruntant des chemins inattendus à plusieurs reprises. Cette lecture s’étoffe ainsi de plusieurs niveaux de lecture et devrait procurer autant de plaisir aux petits qu’aux grands.
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