Le Monde merveilleux des vieux
Par Laetitia Coryn. Vent des Savanes,
12,50 €, janvier 2008.
Les vieux, c’est plein de plis et de fissures, ça chevrote et ça tremblote. Jacques Brel, faisant résonner sa voix profonde dans le sonotone, a chanté ces vies qui s’éteignent lentement, en ronronnant et en parlant du « bout des yeux ». L’auteure Laetitia Coryn a choisi de fracasser la pendule d’argent et d’entonner des couplets plus grivois. Et si ses vieux paraissent ratatinés, c’est parce qu’ils sont pliés de rire. Loin d’être périmés, encore avides de gâteries charnelles et autres dévergondages, ils se dérident et blaguent avec des finesses de collégiens égrillards. Sous la plume de cette dessinatrice à l’humour parfois délicieusement graveleux, un pépé lubrique lève sournoisement sa canne à bout ferré, comme un doigt d’honneur adressé à la société qui le rejette. Et mémé se venge du mauvais goût : elle ose enfin déchirer en ricanant les infâmes gribouillis infligés par ses petits-enfants. De gag en gag, usant d’un trait acéré de caricaturiste, proche du dessin de presse satirique, Laetitia Coryn décape le vernis dont les prudes et les bien-pensants recouvrent la vieillesse, comme s’il s’agissait d’un délit. Elle prône l’insolence à perpétuité. Et avoue, au fil des pages, une tendresse infinie pour les personnes âgées. Un livre à conseiller dans les maisons de retraite et aux pigeons des squares : ils comprendront que les vieillards des bacs à sable ne leur jettent des croûtons de pain que pour les attirer dans un traquenard et les anesthésier d’une balle dans la tête !
Pascal Paillardet
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