Le Passeur de lagunes
Paolo est un adolescent vénitien qui vit seul avec son père, pêcheur sur l’île de la Giudecca. Avec trois copains, dont son meilleur ami Ahmad, il vient d’entrer dans un trafic de drogue de synthèse, « qui fait tout oublier », la Rose. Un jour, son père disparaît sans laisser de trace. Alors qu’il décide de partir à sa recherche, la bande se fait voler une grande partie de sa première livraison de drogue. Ils vont devoir s’expliquer avec l’organisation mafieuse qui les emploie. Bientôt, Paolo va comprendre que la disparition de la drogue et celle de son père sont peut-être liées…
Dans cet opus, il ne sera pas question de la Venise des Doges, de la place Saint-Marc qui charrie son flot de touristes ou encore des « bibelots » pour visiteurs d’un jour. C’est une Venise sombre dont on sent presque l’odeur croupie de la Lagune qui est dépeinte et qui sert de cadre à un polar à l’écriture crépusculaire. Aux manettes du scénario, Christophe Dabitch – Le Roi des Mapuche, Mauvais garçons, Abdallahi, La colonne, Le Captivé – livre un récit ample qui se déploie sans heurt comme pour mieux traduire les vices insidieux qui gangrènent le lieu : drogue, trafic d’êtres humains, mafia, etc. Mais loin de verser dans la BD à thèse (l’histoire pourrait d’ailleurs se dérouler de nos jours comme dans un futur proche), Dabitch s’attache à tisser un récit initiatique, celui de Paolo, plus tout à fait un enfant, pas encore un adulte : la perte du père, l’amour, l’amitié, le désir d’ailleurs.
La peinture de Piero Macola – Les Nuisibles, Kérosène – occupe majestueusement les 220 pages du livre : peu de mots mais des planches et des cases somptueuses qui raviront les amateurs d’aquarelle. Le jeu des couleurs, quand le ciel gris se confond avec les eaux sombres, renforce cette impression de territoires oubliés de tous et de fin du monde.
Si le rythme aurait pu être plus nerveux par moment, le choix d’un polar « au long cours » semble parfaitement assumé par les auteurs, préférant creuser avec subtilité et équilibre les thématiques politiques et les affres personnelles du jeune héros.
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