Le Port des marins perdus
Qui est cet adolescent naufragé qui se réveille sur une plage du Siam, sans autre souvenir que son prénom, Abel ? Mystère. En cette année 1807, il est pris en charge par un officier de la Royal Navy et conduit en Angleterre. Là, il rencontre les filles Stevenson, laissées à l’abandon par leur père, marin qui a trahi sa patrie en s’évaporant avec un trésor dérobé aux Espagnols. Peu à peu, à défaut de souvenirs, ce sont des images et des sensations qui remontent à la surface de la mémoire d’Abel, qui finit par avoir l’étrange impression de bien trop ressembler au capitaine félon…
Le Port des marins perdus se présente pompeusement comme un « opéra graphique en quatre actes », ce qui résume assez bien les qualités et défauts de l’album. Commençons par les bons points, nombreux. D’abord une belle histoire, qui sent bon les embruns de la haute mer, ainsi que le parfum d’iode et de bière des ports anglais. Une histoire de grands sentiments et d’aventures maritimes, soutenu par un contexte surnaturel. Ensuite, le dessin, d’influence disneyenne mais en plus fin et plus émotionnel, mis en valeur par un découpage dynamique et très lisible. L’ensemble avait tout pour emporter le lecteur, mais… il y a un « mais ». Le texte et les dialogues en premier lieu, largement constitués de voix off et de citations de poètes (Wordsworth, Coleridge, Blake…), sont souvent interminables et redondants, plombant l’action. Certes, le portrait des personnages gagne à être fouillé au fil de ces quelque 300 pages (c’est rare, de nos jours…), mais les monologues poétiques finissent pas être pénibles. Ensuite, au niveau graphique, le choix d’un dessin juste crayonné désarçonne. En feuilletant rapidement, on a l’impression qu’il ne s’agit là que d’une ébauche, avant encrage. Il n’en est rien, et ce parti-pris peut se défendre par le dynamisme et la justesse des expressions. Mais tout ce gris lasse au bout d’un moment, et certaines séquences (notamment en mer ou par temps de pluie ou à la nuit tombante) pâtissent d’une vraie absence de contrastes voire de couleurs. Un opéra, c’est envoûtant, mais c’est souvent trop long, surtout joué dans la même gamme. On pourra se laisser tenter, mais en ayant conscience de tout cela avant.
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