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Le Silence ***

5 septembre 2013 |

picto-critique-V3-3le_silence_couvPar Bruce Mutard. Çà et là, 20 €, le 22 août 2013.

À Sydney, Dim est artiste peintre, mais il s’interroge beaucoup sur sa condition – il ne vit pas vraiment de ses toiles –, ses raisons de peindre, la place réelle de l’art en général: suscite-t-il vraiment une émotion dans le coeur des gens? ou n’est-il qu’une composante lucrative de la planète capitaliste, en tant qu’investissement financier? Il en débat souvent avec sa petite amie, Choosy, qui travaille dans une galerie d’art contemporain. Elle, forcément, prône l’action (produire, essayer des choses, plutôt que se lamenter), et considère l’emprise de l’argent sur la création comme un mal nécessaire. La crise couve entre eux, pourtant le couple part dans le Queensland, pour organiser une exposition d’un grand peintre retiré au bord de la mer. Mais, sur le chemin, ils découvrent dans une église abandonnée des toiles d’une puissance émotionnelle incroyable, peintes par un artiste anonyme, invisible, et qui ne vend pas ses tableaux mais les donne…

le_silence_image1Avec son format presque carré et son sujet intrigant, Le Silence est une bande dessinée atypique. Peu d’action mais beaucoup de dialogues, qui creusent la question de la place de l’art, de la création et des artistes dans un monde-marché. Les discussions sont pertinentes, argumentées, n’imposent pas une position radicale. La prise de position est plus subtile et intégrée au récit sous forme de mystère (dans un registre quasi fantastique): qui peut bien être ce peintre talentueux qui expose dans un lieu étrange et reculé, ne veut pas dévoiler son identité et surtout offre ses oeuvres? Une réponse possible: c’est un artiste qui a trouvé, contrairement aux autres personnages, la raison d’être de son art.

Au-delà de ce discours passionnant, mettant évidemment en abîme le roman graphique lui-même, on dévore cette bande dessinée avec plaisir car l’Australien Bruce Mutard propose, sans avoir l’air d’y toucher, des scènes de la vie conjugale frappantes de réalisme. D’un trait fin et précis, il brosse une posture nerveuse, un regard dans le vide, des tics gestuels ou des mimiques, disant par le dessin ce qu’il ne peut mettre dans les bulles. Le résultat est brillant et Le Silence une des belles surprises de la rentrée BD.

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