Le Triskel volé
La Galice, Espagne, de nos jours. Dans une vieille forêt de chênes, ainsi qu’au pied d’un rocher dans la montagne sauvage, deux coffres émergent de la terre simultanément. En sortent Xamain, seigneur des Démons, et Griam, seigneur des Purs. Pour parachever le réveil de leurs congénères de l’ordre magique, ils ont besoin d’une clé, un triskel, bijou celtique unique en son genre. Sauf que celui-ci a été dérobé par des humains, créatures viles, souillure de Gaïa, qui auraient déjà dû connaître leur extinction. Pendant ce temps-là, le jeune doctorant en histoire Arthur Rego ne se doute pas qu’en découvrant de vieux manuscrits dans la bibliothèque de son université, il vient de mettre la main sur la piste qui mène au triskel volé.
Passé les premières pages de l’album, et une introduction toute simple mais réussie, un certain appétit d’aficionado s’éveille. On croit d’abord que l’on tient là un de ces habiles récits ésotériques et érudits, à la manière de La Neuvième Porte, le film adapté du livre d’Arturo Perez Reverte, ou bien d’une fantasy mêlant étroitement réel et imaginaire féerique, tirant sur le fantastique comme dans Le Labyrinthe de Pan, de Guillermo Del Toro. L’intention est bien là, avec une exploitation inspirée de la matière celte. Mais l’habileté ne suit malheureusement pas.
Les défauts de scénario se révèlent en effet nombreux : personnages introduits à la va-vite, répétition des mêmes procédés pour faire avancer le dispositif narratif (les coups de téléphone s’enchaînent maladroitement pendant toute une section…), mollesse du rythme, dialogues bavards et parfois maladroits, et enfin, un côté gentillet qui peut passer pour un public jeune, mais prive de toute une palette d’effets de dramaturgie. L’idée appelait du grandiose, de l’épique (l’humanité toute entière est menacée, tout de même), et on se heurte à de l’anecdotique, dans les lieux et personnages comme dans leur assemblage. Pour finir, la chute est expédiée, et ne clôt pas les principaux arcs narratifs auparavant ouverts.
Quid du plaisir des yeux ? Là oui, le compte y est. Un livre de Miguelanxo Prado (Proie facile, Trait de craie…) est toujours graphiquement splendide, et cette nouveauté le confirme. Avec Le Triskel Volé, son style géométrique s’est accentué pour tirer plus encore vers la peinture d’Egon Schiele, tandis que ses couleurs ont gagné en éclat mais perdu ce quelque chose de surréaliste, qu’elles avaient dans le sublime Ardalén.
Mais malgré toute la jouissance visuelle que l’on peut avoir à parcourir ces planches, l’émotion n’est pas là, et on ne peut que regretter que Le Triskel volé ne se soit pas adjoint le concours d’un scénariste.
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