Le Vagabond des étoiles #1
Darrell Standing, ancien ingénieur agricole, purge une peine de prison à vie en Californie pour le meurtre d’un de ses collègues enseignants de l’université. Quelques jours avant son exécution, il rédige ses mémoires. Il y décrit la brutalité des conditions d’emprisonnement, mais également la manière dont, usant d’auto-hypnose pour échapper à l’isolement et à la camisole de force, il revisita durant sa captivité ses vies antérieures (tour à tour comte français sous Louis XIII, enfant sur les pistes de la conquête de l’Ouest, ermite fou, ou encore viking devenu soldat romain), dans un vagabondage cosmique de pur esprit.
Après avoir longtemps repoussé le projet (antérieur au Loup Des Mers, qu’il a pourtant terminé avant), Riff Reb’s termine finalement cette adaptation du roman de Jack London, en deux volumes. Malheureusement, on touche ici un pan de l’oeuvre de London moins intéressant qu’avec Le Loup Des Mers. En effet, Le Vagabond des étoiles a un côté éclaté, avec ses histoires multiples, qui le rapprochent plus du recueil de nouvelles, ficelé entre elles à la va-vite, que du roman. Le fait que l’américain l’ait écrit comme un pamphlet politique contre le système carcéral y est peut-être pour quelque chose, éclipsant quelque peu l’enjeu purement fictionnel. De plus, le genre du fantastique, dans lequel il a versé en partie pour l’occasion, lui réussissait visiblement moins que les histoires réalistes et très documentées, comme ses nombreux récits de la ruée vers l’or, dans lesquelles il excellait.
Il ne faut pas non plus oublier que, bien qu’objectivement de grande qualité et d’une portée souvent intacte, les fictions de London accusent leur âge et sont maintenant datées (contrairement à ces récits de non-fiction, d’ailleurs, qui ont mieux vieilli). Notamment par leurs outils narratifs (ici, la forme de fausses mémoires), elles peuvent sembler compassées au lecteur contemporain. Et à une époque où les tortures pénitentiaires comme la camisole ont disparu, l’enjeu politique est moins fort.
Il faut reconnaître à Riff Rebs qu’il nous facilite la tâche, en livrant un résultat fluide et digeste. Il est fidèle à son travail récent, techniquement, avec un style très personnel – il utilise entre autres une quasi bichromie caractéristique, toute en nuances et onirique – autant que dans son choix d’un récit très dur et sombre. Mais Le Vagabond des Étoiles n’en n’a pas moins les défauts de l’oeuvre de départ. Peut-être qu’une ré-écriture partielle, ou tout simplement, la diminution, voire la suppression de la voix du narrateur auraient insufflé ce qu’il manque à l’album : une mise au goût du jour.
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