Le Vivant à vif
Simon Hureau a exploré de nombreux genres narratifs depuis ses premiers livres chez Ego comme X : carnets de voyages, polars étranges, humour acerbe, vaudeville boucher… Dernièrement on a beaucoup parlé de L’Oasis, où l’auteur montrait toute sa fibre écologiste en ressuscitant pas à pas son jardin, avec un dessin à la fois très précis et profondément doux et emballant.
Il n’y a donc rien de surprenant à voir ce nouveau projet, adaptation libre d’un essai pointu de Bruno David (À l’aube de la 6e extinction, Comment habiter la Terre, Grasset, 2021) détaillant l’histoire des crises systémiques qui ont frappé l’environnement planétaire. Une adaptation qui se veut la plus exhaustive possible, à la grande surprise de l’adapté-préfacier, qui explique n’avoir jamais imaginé que les nombreux sujets abordés par son texte pourraient rentrer entièrement dans une bande dessinée.
Le procédé d’adaptation est d’ailleurs assez basique : deux enfants doivent réaliser un exposé sur la « 6e extinction », un terme mystérieux dont ils ignorent tout, et croisent le chemin d’une scientifique qui les emmène à la découverte de ce que recouvre un sujet… particulièrement vaste. Si l’objectif comme la forme restent profondément didactiques, la mise en scène est assez réussie : traversée de nombreux écosystèmes permettant d’exploiter la virtuosité du dessin de Hureau, que ce soit dans le naturalisme comme l’image croisant les mondes ou la gestion de la couleur, allers-retours dans le passé, petits rebondissements humoristiques, etc. Le propos est dense mais limpide, et particulièrement plus englobant que ce que nous avons l’habitude de lire sur le sujet.
L’environnement y est pris dans sa vision complète, que ce soit le réchauffement, l’exception de notre « période froide » si dérisoire en termes de temporalité, l’effondrement de la biodiversité, les facteurs humains et les possibilités de résilience comme d’action. Une force d’Hureau, au-delà de la beauté plastique et d’une certaine synthèse, est de réussir à ponctuellement rompre avec l’illustration directe. Si elle est forcément nécessaire en évoquant des espèces particulières, il n’hésite pas à faire des rebonds iconographiques qui permettent de sortir de la pure donnée. Ainsi de cette soudaine apparition du Lion et de la souris de La Fontaine dans un propos qui ne l’évoque pas. Cela reste ponctuel, mais donne une saveur plus originale à un ouvrage qui reste très dense et pourrait être étouffant si l’auteur ne maîtrisait pas si bien les codes permettant d’informer tout en jouant de son médium.
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