L’Écorce des choses
La carte postale est belle : une petite route en lisière de forêt, une voiture bien remplie avec de grosses valises sur le toit et, à son bord, une famille qui change de vie en déménageant à la campagne. Dans cette famille, une maman, un papa et leur fille unique. Cette môme, âgée de neuf ans, arbore avec un beau visage rond, de jolies pommettes rouges, une délicate chevelure blonde, mais surtout un lourd handicap, qui la coupe bien malgré elle du tumulte de la vie et du monde qui l’entoure. En croisant son chemin et en plongeant dans ce quotidien presque ordinaire, on ne s’attend pas à vivre une telle expérience. Page après page, au fil des saisons, on se glisse dans cette atmosphère au silence assourdissant. On accompagne avec douceur cette gamine pleine de vie qui cherche par tous les moyens à apprivoiser ce monde de bruits et de sons qui se refuse à elle. Que ce soit dans ses relations avec ses parents, au cours des séances de jeux qu’elle partage avec le petit voisin ou à travers les liens intimes qu’elle tisse avec l’arbre du jardin, le lecteur partage avec une réelle complicité chaque instant de la vie de cette enfant différente, et véritablement touchante.
Pour son premier album, Cécile Bidault, qui sort de l’école Estienne et qui poursuit actuellement ses études aux Arts Décos, n’a pas opté pour la facilité. En mettant au coeur de son roman graphique une petite fille sourde, un sujet aussi sensible que peu traité en bande dessinée, elle prenait un réel risque. Cependant, tous les choix qu’elle opère dans cet album se révèlent pertinents et judicieux. Elle utilise ici à merveille le potentiel offert par la bande dessinée muette. En se privant de texte, elle se concentre de manière exclusive sur son découpage, le rythme de son récit et ses cadrages millimétrés tout en apportant un soin particulier aux expressions et aux attitudes de ses personnages. Le traitement des couleurs est également à souligner, variant avec les ambiances, elles font rejaillir les émotions aux détours de chaque case. L’album se ponctue même par quelques pages de textes qui nous permettent d’en apprendre plus sur la langue des signes et la communauté des sourds et des malentendants. Un album indispensable, plein de sensibilité, un beau témoignage, qui est actuellement adapté en court-métrage par l’auteure elle-même. L’aventure n’est donc pas terminée.
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