Les Bâtisseurs
Un lieu perdu, une île peut-être, peuplée d’inlassables bâtisseurs qui empilent les planches de bois en quête de la forme idéale, entre fragilité pleine de grâce et équilibre sur le fil. Ils construisent des bâtisses, rabotent des planches, élèvent des constructions tarabiscotées ou érigent des murs pour mieux les franchir. Ces hommes et ces femmes, occupés à aimer, désirer et échafauder, expérimentent la civilisation. Une civilisation débarrassée de tout superflu…
Les Bâtisseurs, signée Yannis La Machia, est une expérimentation étonnante (sélectionné à Angoulême 2018), sorte de champ lexical graphique de l’équilibre. On voit des hommes et des femmes bâtir des formes étranges. Comme un enfant qui jouerait aux Lego, cette société construit pour mieux détruire : des cages suspendues, des catapultes, des grues alambiquées, des colonnes structurées, la rationalité le disputant au chaos, la culture à la nature. Et par miracle, tout tient, les édifices snobant les pesanteurs. Si le récit semble dénué d’organisation, ce n’est qu’une impression. Car le dépliant central, les pages en blanc ou jaune et le trait, fin et fragile, dessinent lentement des équilibres en construction avec pour seul leitmotiv l’envie de créer à partir, justement, de la page blanche. Le graphisme lorgnant du côté de l’architecture et de l’un de ses plus illustres représentant, le hollandais Rem Koolhaas. Résultat, le livre interroge au moins autant qu’il fascine, comme le miroir d’une société tâtonnant dans l’inconnu mais tendue vers son devenir. Avec ses questions, en suspens.
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