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LES + DU BLOG : « BATTAGLIA, UNE MONOGRAPHIE » 3/3

5 octobre 2006 |

TECHNIQUE : DU GRIS QUE L’ON ROULE A L’ANCIENNE
BATTAGLIA : « J’ai beaucoup utilisé le gris, je l’ai fait avant tout sous influence des journaux français et allemands du début du vingtième siècle dans lesquels paraissaient des dessins exécutés au crayon lithographique. Le gris était également techniquement justifié, il n’y avait pas de trames mécaniques, tout reposait sur l’emploi artisanal des instruments de dessins.
Quand je dessine, j’imagine à l’avance les zones que je mettrai en gris. Puis, je prends un morceau de papier-calque, je délimite la zone au crayon, je la découpe et, avec un coton-tige trempé dans l’encre, je travaille la partie en question jusqu’à ce que j’obtienne la tonalité de gris qui m’intéresse et dont j’ai besoin. Une fois que c’est sec, la plupart du temps, je dois retoucher à la lame de rasoir. Dans tous les cas, il y a une part de hasard et de patience de bénédictin. Maintenant cependant, j’essaye d’éclaircir un peu. J’aime bien travailler pour Il Messaggero dei ragazzi (1) et pour Il Giornalino (2) car du fait de la couleur, il n’y a que peu de travail sur le rapport entre le noir et le blanc. Si je le peux, j’aimerais changer, éliminer petit à petit les gris, mais pas complètement, les gris ont leur fonction, c’est une couleur. »

« CAPABLE DE JETER UNE PLANCHE POUR UNE SEULE TACHE »
Madame BATTAGLIA : « Dino était quelqu’un de très régulier dans son travail. Avant de dessiner une histoire, il me demandait de ne relire que quelques pages afin de voir de quelle façon il adapterait l’histoire en bande dessinée. Il réfléchissait longuement et parfois il était capable de commencer par la dernière vignette parce que la scène lui plaisait particulièrement et, à partir de là, il reconstruisait toute la séquence. Dans sa tête, il savait déjà comment les planches seraient composées. Je me souviens d’une fois, pendant la réalisation de L’Homme de la Nouvelle Angleterre, il avait quasiment terminé une planche et comme j’aimais regarder ce qu’il faisait, je lui demandais avec quel dessin il comptait remplir un très petit espace qui était resté vide. Il me répondit de ne pas me faire de souci, qu’au moment opportun, il saurait exactement comment compléter la planche. Et de fait, c’est ainsi qu’il dessina un minuscule paysage avec un bateau qui arrivait.
La construction de la page était faite d’un seul jet. Pour le reste c’était un travail lent et régulier. Sa journée type s’organisait ainsi : il se levait tôt le matin et se consacrait jusqu’à dix heures à de petits travaux de type artisanal du genre céramique ou réalisation de petits soldats. Puis il commençait à dessiner, il ne travaillait pas plus de sept ou huit heures, mais il pouvait passer jusqu’à trois jours sur une même planche.
Ses esquisses crayonnées étaient toujours si précises qu’il n’utilisait jamais la gomme pour corriger, il ne s’en servait que pour enlever des détails graphiques qui étaient de trop. Il les réalisait rapidement et elles étaient parfaites. Malheureusement je n’en ai pas conservé, en

revanche, il reste quelques esquisses à la plume, toujours très soignées même si l’exécution avait été rapide. Puis, il y avait l’encrage, une opération très complexe. Il n’était jamais content, il manquait toujours quelque chose pour l’équilibre, cela pouvait être trop de noir d’un côté ou bien le dessin ne montait pas comme il l’avait en tête et dans ce cas, il me demandait de « gratter » l’encre, car il aurait lui abîmé la planche. Il aurait été capable de jeter une très belle planche pour une seule tache.
Il a toujours travaillé en noir et blanc, d’abord au pinceau, comme on lui demanda au début, puis petit à petit à la plume. Il aimait cependant beaucoup les ombres et les dégradés et, dès le début des années soixante-quatre, soixante-cinq, en plus des hachures, il avait commencé à utiliser le tampon. Il commença avec des bouts de tissu, cherchant une trame de plus en plus fine et enfin il trouva ce qu’il considérait comme le meilleur : le coton hydrophile. »
FIN

1) 1963. Bimensuel en couleur destiné à la jeunesse laissant place à la BD. Toppi et Battaglia y publieront leurs albums. Aux côtés de Yoko Tsuno, Yakari, Spirou
2) 1924. Hebdomadaire catholique en couleur qui publiera, en plus de nombreux dessinateurs italiens,
Les Schtroumpfs, Astérix, Lucky Luke.

Battaglia, une monographie, 98 pages n/b, Mosquito, 13 euros. Témoignages de Madame Battaglia, Pratt et Toppi. Articles de Cuozzo, Douvry, Lador et Péju.

Illustrations extraites de Battaglia, une monographie © MOSQUITO, 2006.

(Les titres et inters sont de la rédaction).

Voir les autres dossiers : 1/3, 2/3

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