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LES + DU BLOG : CARNET DE CHASSES 1/3

3 septembre 2006 |

Les filles, elles aussi, aiment raconter leurs conquêtes. Mais en général leurs confidences ne s’ébruitent guère hors du cercle des copines. Est-ce parce qu’elle a fréquenté un milieu masculin dans les couloirs du Pilote de la grande époque où elle fut secrétaire de rédaction – et bien plus que ça – pendant des années ? Marie-Ange Guillaume* a, par fines touches, dressé le portrait d’hommes qu’elle a mis ou qui se sont glissés dans son lit. Dans Ils s’en allaient faire des enfants ailleurs, paru en 1988 chez Orban/Fixot et réédité par les éditions Panama (12 euros), petits bonheurs et grandes joies, petites peines et grandes douleurs s’égrènent joliment en un doux-amer chapelet nostalgique (12 euros). Extraits.

* Auteur de biographies consacrées à Goscinny et Desproges, auteur pour la jeunesse, Marie-Ange Guillaume a également écrit L’Odeur de l’homme. Un sujet qui décidément, lui tient à cœur… (Préface de Daniel Pennac, réédité en juin chez Pocket, 6,20 euros.)

Sa première fois

Il est grand, solide et maladroit. Il parle avec ses mains mais il n’est pas bavard. On fait l’amour sur le bord de la Loire, sous une pluie fine et froide qu’il ne sent pas. Pour lui c’est la première fois, et pendant longtemps, il reconnaîtra l’amour à ce symptôme : insensibilité totale à la pluie, à la neige, à la merde ambiante. Il me fait un cadeau : des milliers de perles de bois anciennes, peintes et sculptées, en guirlandes sur les murs de son atelier. C’est un cadeau intrans-portable.
Vingt ans plus tard, on se retrouve un soir de Noël près de la Loire toujours. On n’a pas changé, on rejoue la même pièce : il se tait, je m’agite, je jacasse, il me regarde, il boit de la bière. On n’entend que moi, il rit de temps en temps, on s’en va. « À dans vingt ans », dit-il.
À nous retrouver si semblables, l’un en face de l’autre, je me demande si je quitte vraiment les gens, ou s’ils restent là, invisibles au fond de ma poche, intacts et moi aussi.

Tank you

Il a un « truc », une caresse précise à un endroit précis du ventre, qui rend folle n’importe quelle femme en trois secondes. C’est infaillible, chirurgical et, pour tout dire, humiliant.
Me dit : « Viens là. » Me fait mal.
Je tâte le terrain, j’ai le trac : « On ne se voit pas très souvent, non ? »
Me dit : « C’est ça ou rien. »
Il a une gueule de Nordique et une sensibilité de tank.

Comme au cinéma

Parce qu’il a la peau douce et le baratin coloré de son Pérou natal, j’ose affronter en plein après-midi un de ces tenanciers d’hôtel qui vous demandent si c’est « pour la nuit ou pour moins longtemps ». À cause de ce parfum de stupre, quand je ressors de l’hôtel, je me sens une vraie femme comme au cinéma. (Une vraie femme porte des talons hauts et un imperméable serré à la taille. Elle monte des tas d’escaliers pour retrouver un homme dans une cham-bre d’hôtel à papier fleuri. Lui, il est allongé sur le lit et il réfléchit, les mains sous la nuque.)
Je le revois longtemps après dans les jardins du Trocadéro. Il a grossi.

PROCHAINEMENT : TEMESTA ET TISANE

Extraits de Ils s’en allaient faire des enfants ailleurs de Marie-Ange Guillaume, éditions Panama, 12 euros.
© éditions Panama

Lire les autres dossiers : 2/3, 3/3

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