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TARDI FINASSE
« J’ai adoré le principe des fins différentes. Si j’ai la place, j’en rajouterai même quelques-unes ! C’est très rigolo à imaginer ! Mais sans tricher hein ! Pas question des fins interdites, genre le héros se réveille, tout n’a été qu’un cauchemar (NDLR : et pourtant, celle-là Tardi la fera…). Ou de jouer la folie. Ou encore, comme dans un film, de montrer que le flic qui menait l’enquête était l’assassin dans un état second. Nous ne mangerons pas de ce pain-là, Monsieur ! Elles tiendront chacune sur une double page scellée. Il faudra les découper pour les lire. »
Qui parlait ainsi ? Jacques Tardi dans BoDoï 95, évoquant la sortie future en album du Secret de l’étrangleur, son nouveau polar inspiré d’un roman de Pierre Siniac aujourd’hui disparu et oublié depuis longtemps. Tardi a tenu parole : l’album comporte bien les quatre fins imaginées par Pierre Siniac, plus deux Fins inacceptables (on est bien d’accord), une intitulée Papa et une Fin apparemment inexplicable. Neuf fins pour une seule histoire. C’est bien l’atout principal de l’album. Car sur tous les autres points, le journal L‘étrangleur, créé par Tardi pour l’occasion et qui, en cinq numéros, prépublia l’histoire, l’emporte haut les mains.
D’abord par le format. Le dessin de Tardi explose dans les planches au format 27x38cm, (contre 18×27 pour l’album). Chaque trait, chaque aplat est magnifié, chaque détail devient un régal. Autre supériorité du journal, toute la partie magazine, les papiers d’actualité, les grands faits de société (le rappel des réservistes envoyés « rétablir l’ordre » en Algérie, la naissance des bidonvilles, les enfants de l’Assistance publique, etc.)*, les chroniques sur les films d’époque qui enrichissent les cinq journaux, deviennent, en ouverture de l’album, de simples articles, sans la magie du quotidien. On peut parier que dans quelques années, ce sont les numéros du journal L’étrangleur qui feront du chiffre sur les sites de vente…
Si le principe des fins multiples est un des aspects du roman qui a séduit Tardi, l’autre est évidemment l’époque, février 1959, et le lieu, le Paris populaire. L’occasion de dessiner tout un petit monde mais aussi plein de journaux et de revues de ce temps là, un des dadas de Tardi. Cerise sur le gâteau, beaucoup de scènes sont des leurres. Tardi, jonglant avec ses angles de vue, mène le lecteur par le bout du nez sur une fausse piste indécelable à la première lecture. Il fallait ça. Car, à y regarder de près, il n’y pas dans cette histoire un seul gosse, un seul adulte sympathique. On comprend mieux, du coup, pourquoi Tardi a tenu à y ajouter tant de bonus….
Le Secret de L’étrangleur, par Jacques Tardi et Pierre Siniac, Casterman, 88 pages n/b, 14,95 euros. Version de luxe, en quadri, avec un film sur DVD montrant Jacques Tardi lors des différentes étapes de la réalisation de L’étrangleur, 29 euros.
L’étrangleur, cinq journaux de 16 pages, 1,80 euros pièce.
* textes de Dominique Grange, l’épouse de Jacques Tardi. Son témoignage est un des points forts du dossier principal du BoDoï 100, donnant la parole à 42 femmes d’auteurs (et à un mec!).
Les 9 fins: tournez manège !
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