Shä est un chat. Salomé est une jeune femme. Tous deux forment un couple peu conventionnel mais tout à fait charmant : elle, pétillante rousse férue de jeux vidéo, lui, placide matou fumeur de pipe plumitif. Elle soutient l’équipe de foot de Papouasie-Nouvelle-Guinée, il remplit les tests de ses magazines féminins ; elle collectionne les pots de moutarde et lui les manchettes de faits divers. S’ils partagent leur passion pour le scrabble, les feuilles mortes et les estomacs bien remplis, l’idée d’habiter ensemble pour de bon est un sujet de discussion sur lequel ils ont du mal à accorder leurs violons. 

Les aventures plus ou moins immobiles du binôme et de divers personnages secondaires rythment les planches de ce petit théâtre du quotidien scénarisé par Loïc Clément et mis en scène par les sensibles aquarelles d’Anne Montel. Publié en 2011 aux éditions Gawsewitch, l’album fait aujourd’hui l’objet d’une réédition augmentée par la petite maison Ant éditions (dont les ouvrages sont encore peu diffusés, voir leur carte des libraires partenaires sur leur site). Ses auteurs ont depuis publié plusieurs albums remarqués (Les Jours sucrés, Le Temps des mitaines, Chaussette), prolongements à divers niveaux de cet univers doux et singulier. Celui-ci se dévoile ici par petites touches, au rythme de la contemplation et de l’humour, parfois un peu cryptique, qui lie les tourtereaux. Tantôt poétique, tantôt pragmatique, le tandem félino-rouquin explore joliment le thème de la différence au sein du couple.

Les références et la narration à l’œuvre dans Les Jours de pluie ancrent l’album dans les années 2010 qui l’on vu naître, mais son atmosphère, elle, semble intemporelle. Il tisse entre eux ces petits instants qui font le quotidien, brodés de fantaisie quand on sait prendre le temps de les savourer. S’il se lit certainement par beau temps, il s’apprécie sans doute plus à l’abri des gouttes.