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Les plus du Blog : « CULTURE MANGA » 1/4

16 octobre 2006 |

SACRES MOINES BOUDDHISTES !

D’où vient le succès des mangas ? D’un système de production malin et d’univers originaux souvent pimentés d’un humour ras le slip. Où les éditeurs et auteurs nippons sont-ils allés chercher ça ? Dans leur Histoire, répond Fabien Tillon. Son livre, Culture Manga, dévoile les origines et les influences du manga. Il nous apprend que dès le XVIIe siècle une industrie de l’estampe semblable à celle du manga existait. Sur des sujets dans l’air du temps, les estampes vendues à petits prix étaient imprimées en masse (2 000 ex.) pour être consommées puis jetées. Et l’humour ras le slip d’où vient-il ? Des moines bouddhistes du XIIe siècle pardi !
Extraits.
Culture manga, Fabien Tillon. Nouveau Monde, 17 euros.

Okiku, le spectre aux assiettes, de Katsushika Hokusai. © Culture Manga, Nouveau Monde, 2006.

PRETRES-SINGES, ARISTOS-LAPINS ET STRIP POKER

La religion bouddhique a joui d’une influence fondatrice dans la formation du goût japonais, tout comme les inflexions dramatiques et l’idéalisme du christianisme ont déterminé près de deux mille ans d’art occidental. […]C’est un prêtre bouddhiste, Toba (1053-1140), qui dessine les quatre Chôjûgiga, ou Rouleaux des animaux, même si on ne peut lui attribuer avec certitude que les deux premiers. Reprenant la forme des rouleaux inaugurée par les artistes chinois, Toba ajoute un sens du dessin du plus haut comique, qui révèle d’étonnantes similitudes avec les premiers dessins animés de Walt Disney ! Il y ajoute un esprit d’irrévérence d’une éclatante modernité.
C’est en effet le clergé bouddhiste ou la noblesse de son temps qui sont les cibles de ses caricatures, les prêtres étant représentés sous forme de singes ou de grenouilles adipeuses, et les aristocrates sous forme de lapins. Dans les derniers rouleaux, on peut même assister à certains épisodes de la vie dissolue du clergé, comme l’organisation de combats de coqs ou de parties de cartes proches de notre strip poker ! Cet humour dévastateur, même s’il nous étonne, est lié aux traditions de l’église bouddhiste, moins hiérarchique et plus séculaire que l’église catholique. Par ailleurs, l’humour et l’ironie sont partie prenante de la philosophie bouddhiste, comme garantie de l’esprit contre les illusions de ce monde.
Le plus extraordinaire dans l’aventure des rouleaux peints, qui se multiplient à partir du XIIIe siècle en suivant la pente du succès des créations de Toba, est leur esprit grotesque ou fantastique, voire scatologique, qui perdure jusqu’à aujourd’hui dans l’imaginaire nippon. Certains rouleaux du XIIIe siècle représentent des concours de phallus (Yôbutsu Kurabe), où des hommes en pleine possession de leurs virils moyens s’amusent à comparer leurs anatomies pour savoir qui possède le plus puissant des appendices sexuels. On note aussi l’existence des rouleaux intitulés Hôhigassen (concours de pets), dans lesquels se tiennent de véritables symposiums des vents lorsque, après avoir mangé force quantité de patates douces, de savants pétomanes tirent à qui mieux mieux leurs décharges au nez des adversaires, lesquels peuvent se défendre grâce à de larges éventails. La télévision japonaise montre aujourd’hui de semblables spectacles, tandis que les unko manga– littéralement, manga-caca (sic) – connaissent un succès qui ne se dément pas auprès des enfants – et de pas mal d’adultes…
Dans une veine plus fantastique, les Gaki Zôshi ou Rouleaux des Fantômes affamés (finXIIe siècle) dépeignent les souffrances de méchants esprits humains réincarnés sur terre sous forme d’apparitions à l’appétit dévorant, obligées de se nourrir d’excréments et de cadavres putréfiés. On retrouvera l’esprit de ce fameux rouleau, et même littéralement certaines de ses scènes, dans le manga Ashura, réalisé en 1970 par Joji Akiyama. Autre chef-d’œuvre des rouleaux fantastiques, le Hyakki Yako (la marche nocturne d’un millier de démons), réalisé au XVe siècle par l’artiste Mitsunobu Tosa, et dont l’influence est toujours manifeste dans les mangas contemporains traitant d’histoires de fantômes et de démons. Les œuvres extrêmement populaires au Japon de Shigeru Mizuki, dont la série Ge-ge-ge no Kitaro, qui raconte les aventures de Kitaro, jeune garçon démon chargé de punir les mauvais esprits, en sont l’une des meilleures illustrations.

Prochain extrait : MANGA, TON UNIVERS IMPITOYABLE !

Illustrations extraites de Culture Manga, ©Nouveau Monde, 2006.

Lire les autres dossiers : 2/4, 3/4, 4/4

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