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LES SOUVENIRS DE PAUL GILLON 4/5

19 mai 2006 |

« JE DEVIENS SCÉNARISTE. À CÔTÉ, LE DESSIN C’EST FACILE… »

Portrait GILLONGillon, dans ce tourbillon ?
Heureux, Gillon… Il se sent rassuré. Je travaille enfin avec des gens qui ont les mêmes ambitions que moi, les mêmes préoccupations. L’essentiel est de faire ce qu’on porte en nous, dans notre cœur. Les problèmes commerciaux ne viennent qu’au second plan. La rentabilité n’est pas tout ! C’est beau, merveilleux. Hélas, « nos » Humanos sont morts et les Espagnols ont débarqué…
Comment le dessinateur Gillon est-il devenu le scénariste Gillon ?
J’ai toujours souhaité être les deux. Pendant des années, j’ai tenté de caser des récits dont j’aurais été l’entier responsable. Mais aussi bien à Vaillant qu’à France-Soir, les scénaristes se serraient les coudes. Impossible de s’y glisser. Verdun, on ne passait pas. Ils tenaient le bon bout et n’entendaient pas le lâcher. Mon grand rêve était de faire de la science-fiction. Pendant 20 ans je me suis heurté à un mur. « Pas question, me répétait-on inlassablement à Vaillant, nous avons les Pionniers de l’espérance ». Chez Winkler, alors patron de l’agence Opera Mundi, on me sortait Guy l’Éclair. À France-Soir, où j’avais proposé un scénario qui plaisait bien à Vania Beauvais, la responsable du secteur BD, le directeur, Pierre Lazareff s’y opposait, craignant sans doute que je lâche son 13 rue de l’Espoir chéri. Et puis, en 1967, enfin, Vaillant m’a demandé une histoire. Je me suis souvenu d’un épisode de Capitaine Cormoran non achevé dont la vedette était un moussaillon. Je l’ai ressorti des tiroirs, construit un épisode complet, réécrit tout le texte. Jérémie était né.


Qui est le plus heureux, Gillon dessinateur ou Gillon scénariste ?
J’éprouve énormément de plaisir à écrire. Mais c’est aussi beaucoup de stress, de tension. À côté, le dessin, c’est facile. Il faut 1/4 heure à 1/2 heure d’inspiration graphique pour décider la page, son articulation, son ambiance. Ensuite, c’est de la technique. Le scénario est beaucoup plus complexe. Chaque question qu’on se pose remet en question les dialogues précédents et ceux à venir. C’est compliqué , donc très amusant. On maîtrise complètement le destin de cinq, dix personnages qu’on manipule dans des mondes pas simples. Voir Les Naufragés du temps… En même temps, au fil des albums, on devient de moins en moins maître absolu de ses personnages. Car, rapidement, ils acquièrent une véritable personnalité. On ne peut plus les faire agir totalement à son gré. On est piégé. Ils existent.
C’est la mort du scénariste ?
Non ! Ça ne bloque pas pour autant. Au contraire. Il suffit de mettre ses héros dans une certaine situation pour savoir rapidement comment ils vont réagir selon leur personnalité. Pareil pour les dialogues. Un auteur qui fréquente depuis longtemps ses personnages connaît leurs tics de langage aussi bien que ceux d’un vieux copain. Ils viennent naturellement sous la plume. Le danger du système, c’est bien sûr de tomber dans une routine du comportement. Mais les ficelles du métier sont là. Au scénariste de mettre ses personnages en porte-à-faux, en situation de déséquilibre. Et leurs réactions seront alors toujours surprenantes.

(Illustrations tirées des Dieux barbares, premier Jérémie dans les îles, collection Eldorado, Les Humanoïdes associés, 1981).

SUITE : « J’ouvre parfois des portes sans oser les franchir »

Autres dossiers : 1/5, 2/5, 3/5, 5/5

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