L’Esprit à la dérive
« Ni Alzheimer, ni Parkinson, jusqu’au bout les célébrités l’auront boudé. Papa était atteint de leucoaraïose, une banale démence sénile. » Que reste-t-il à Samuel Figuière pour renouer avec son père atteint par une maladie dégénérative ? Les souvenirs d’enfance, mais aussi les carnets de guerre, celle d’Algérie, cette guerre atroce, où torture et lâcheté ne connaissaient pas de camps.
Dans une première partie, les relations familiales sont évoquées avec pudeur et émotion : relations entre le père, René Figuière, et le fils, Samuel, mais aussi entre René et ses parents, sans oublier ses grands-parents aimants, à la vie rude et simple. L’auteur nous invite, à l’aide d’anecdotes touchantes, dans sa généalogie, dont son père, René, est la pierre angulaire. Puis la guerre « sale » s’impose : celle narrée par les carnets, celle subie par ce père qui n’en voulait pas. Émergent alors les non-dits et l’horreur d’une guerre qui reste encore une fêlure dans les mémoires de l’Algérie et de la France.
L’auteur nous livre un ouvrage sensible et humain qui est un poignant hommage à son père, mais aussi une façon de laisser un témoignage pour le petit-fils naissant, et également, peut-être, pour Samuel Figuière, une manière de faire son deuil. Le trait est fin, toujours noir. Il souligne cet esprit dérivant, ou plutôt fuguant et fuyant perpétuellement. On regrettera toutefois une narration trop décousue qui, si elle sied certes à cet esprit à la dérive, perd un peu le lecteur. Les petites évocations disparates de souvenirs donnent au final une impression de superficialité dans le traitement qui frustre le lecteur. Certains thèmes auraient mérité un approfondissement – à la manière de Davodeau (Les Mauvaises gens) – comme l’évocation du monde rural dont est imprégné le père.
On retiendra cependant la réflexion sensible sur ce qui reste d’un père ou d’un grand-père, quand celui-ci s’efface, quand celui-ci n’est plus. C’est l’éternel questionnement de notre place dans l’histoire du monde et dans l’histoire de notre famille, celle qui donne le vertige mais qui est essentielle à la construction de chacun.
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