Avocat, poète, écrivain, Ferdinand, le grand-père de Wide Vercnocke a tout d’un grand homme… C’est en tout cas comme ça qu’on l’a présenté et que sa figure a traversé l’histoire familiale. Pourtant, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, il fut condamné à 12 ans de prison et il ne récupéra ses droits civiques que 20 ans plus tard. Il faut dire qu’on avait jusqu’alors mis sous le tapis une de ses facettes, une de celles dont une famille ne peut pas se vanter et qui pourraient porter à chacun de graves préjudices.

Auteur de bande dessinée flamand, Wide Vercnocke est un de nos contemporains. Il dessine dans cet ouvrage une histoire à la fois très personnelle et parfaitement universelle. Nourrie de longs échanges avec son père, son livre examine le poids des secrets familiaux, et plus particulièrement d’un qui le concerne plus qu’il ne l’imaginait. Se mettant en scène dans son quotidien, on le voit hanté par la figure de son grand-père paternel, ainsi que celle de son père. Tout d’abord, il leur ressemble physiquement, inéluctablement… mais est-ce que cela s’arrête réellement là ?

Non, bien entendu, puisqu’en plus de l’hérédité à laquelle on ne peut pas échapper, on porte en nous le passé de nos aïeux. Quels que soient leurs actes, qu’ils aient été racontés ou cachés de gré ou de force par la famille, en est-on pour autant responsable ? L’univers est cyclique, comme l’aime le répéter le paternel de Wide, et nos choix se transmettent et se répercutent d’une génération à une autre… mais comment les descendants peuvent s’en emparer ou s’en débarrasser ?

C’est de tout cela dont il est question dans cette bande dessinée intimiste profondément réaliste, mais qui se permet l’usage du surnaturel pour tenter de régler l’insoluble question de l’héritage problématique avec lequel on doit composer. À la fois simple et fort. Brut et délicat. Bouleversant, cet Homme triple se sert de lignes sans fioritures enrobées dans une gamme de teintes limitées de bleu et de rouge pour porter sa vibrante émotion sans être démonstratif. Une lecture courte, sans esbroufe, qui ouvre cependant à de longs moments de réflexion et d’introspection.

Traduction : Françoise Antoine