Loïc Clément parle aux enfants comme à des gens intelligents
Il a connu un petit succès il y a quelques année avec Le Temps des mitaines, il vient de publier simultanément deux albums jeunesse réussis chez Delcourt : Le Voleur de souhaits et Chaussette. De projet en projet, Loïc Clément trace son sillon de scénariste. C’était le moment où jamais de faire plus ample connaissance avec ce passionné d’écriture et du cinéma des années 1980.
Quel est votre parcours ?
C’est celui de quelqu’un qui s’est dit, après le bac et une année perdue à boire des cafés en fac d’histoire, qu’il aimerait bien exercer un des nombreux « métiers du livre ». On était en 2000 et j’ai donc été admis en IUT de bibliothécaire à Bordeaux, car ça me paraissait plus stable comme boulot, moins précaire que, mettons, libraire. Il faut dire que la précarité je connaissais déjà, puisque je travaillais depuis plusieurs années au McDo et que chaque été depuis 4 ans, je nettoyais les sanitaires d’un camping pour payer mes études (bon, en vrai j’étais enfermé dans les WC à lire toute la journée). Parce que oui, j’ai toujours été lecteur ! Je tiens ça de ma mère et je savais vaguement que je voulais exercer une profession relative à cet intérêt.
J’ai travaillé pour la bibliothèque de La Joie par les livres à Clamart qui dépendait du CNL pour enfants. En gros, c’était la caverne d’Ali Baba pour moi puisque c’était l’endroit où chaque ouvrage publié était conservé depuis 50 ans via le dépôt légal. Des montagnes de livres… Mais j’ai surtout rencontré des professionnels incroyables qui m’ont formé. C’est à cette époque-là que j’ai commencé à rédiger des critiques BD pour leur Revue des livres pour enfants.
C’est donc par le biais de la critique que j’ai été rémunéré pour la première fois pour écrire. Mais je n’en écris plus, car c’est difficile d’être à la fois auteur et critique des livres des autres. Bref, donc bibliothécaire en emploi jeune en région parisienne, j’ai suivi parallèlement des études en licence pro sur la littérature jeunesse et là, coup de bol, j’ai réussi un concours de la fonction publique pour être assistant de conservation – terme barbare synonyme de travail en bibliothèque. J’ai tout plaqué pour rentrer sur Bordeaux, certain que je trouverai facilement un emploi titulaire. Je mettrai finalement trois ans, après de nombreux voyages autour du monde (Inde, Hawaï, Europe de l’Est…) et surtout, après avoir exercé deux ans le métier de libraire spécialisé BD. La suite : 11 ans de bibliothèque départementale dont 6 à acheter des bandes dessinées et des albums jeunesse. Et l’écriture dans tout ça ? Hé bien tout est lié. J’ai toujours écrit. Le plus vieux texte que j’ai pu retrouver est une histoire rédigée à l’âge de 7 ans pendant un séjour à l’hôpital. J’écrivais et je dessinais dans mes marges de cahier enfant et ado. Je faisais des BD avec mes copains d’école ou seul. Comme je savais pas trop quoi raconter, c’était souvent à propos de trucs qui me passionnaient. C’est ainsi que j’ai écrit des aventures inédites des Chevaliers du Zodiaque correspondant à des constellations non utilisées dans le dessin animé.
En grandissant, j’ai suivi le chemin décrit plus haut en garnissant de pattes de mouches illisibles les pages de nombreux cahiers. Tout m’a toujours inspiré et chaque moment de vie perdu, que ce soit sur un siège de bus ou dans les sanitaires d’un camping, a toujours été propice à être gagné à écrire. En rencontrant la dessinatrice qui deviendra ma femme [Anne Montel], j’ai fait de cette passion une activité plus officielle en publiant mes premiers livres avec elle. J’ai d’ailleurs longtemps ressenti un syndrome de l’imposteur, mais je me suis soigné un peu plus à chaque sortie de livre. Ma mise en disponibilité de la fonction publique a accéléré un sentiment naissant de légitimité qui fait qu’aujourd’hui, je peux presque déclarer à voix haute que je suis auteur, puisque c’est ma principale source de revenus. Pour le coup, mon moi d’aujourd’hui n’a pas respecté mon moi qui fuyait la précarité sachant qu’auteur est à peu près la quintessence du genre. Tant pis. Au moins, j’ai la sensation d’être utile.
Quels sont les univers qui influencent votre travail ? Les auteurs que vous aimez lire ?
Sur la forme, je rejoins ce que Brassens disait de la chanson française et je m’en inspire dans mon travail. En résumé, l’ami Georges disait qu’une bonne idée, un point de vue à défendre, valait une chanson. J’essaie ainsi que chaque livre ne soit pas qu’une histoire de western ou de vampire, mais bien qu’un thème majeur ainsi que mon point de vue sur la question soient le cœur du livre que je réalise. C’est peut-être bizarre d’être influencé par un parolier-musicien-poète dans mon travail, mais c’est ainsi. Les seules fois où je n’ai pas suivi cette règle, mon bouquin n’a au final été qu’une anecdote. Alors je n’ai rien contre les anecdotes, mais pour ma part, je sais maintenant que la forme ne doit exister qu’au service du fond.
Sinon, mon imaginaire se nourrit beaucoup du cinéma des années 1980 tant sur le fond que sur la forme. C’est particulièrement visible dans Le Temps des Mitaines qui est écrit comme un hommage aux Goonies, E.T. ou Stand by me… J’aime qu’on s’adresse aux enfants comme à des gens intelligents et qu’on joue avec eux sur leurs peurs, leurs questionnements, leurs croyances…
Sinon je ne prétendrai pas être original en clamant un amour immodéré pour le travail d’Hayao Miyazaki. J’ai tous ses story-boards à la maison qui sont comme autant de petites BD magiques que j’aime parcourir et reparcourir, et cet homme n’a, à mes yeux, pas galvaudé sa qualification de « génie ». Quand j’ai un coup de mou, je regarde un de ses films. Il m’arrive de pleurer face à des scènes joyeuses de ses longs métrages, signe qu’il me touche quelque part en profondeur, dans une zone de l’intime (non, ce n’est pas sale). Et puis, je partage avec lui un amour immodéré pour les scènes de repas. Mon fils de deux ans aussi d’ailleurs, lui qui explique à qui veut l’entendre que comme Ponyo, il aime le jambon !
Alors voilà, je parle musique, cinéma – sans même parler de Hitchcock, mon réalisateur préféré –, mais pas vraiment de livres… Je vais donc rendre justice à mon auteur fétiche qui est Stephen King. Il m’influence dans sa propension à se servir de personnages ordinaires en tant que héros de ses histoires. Montrer comment un être banal est confronté à l’extraordinaire est quelque chose qui me parle beaucoup. J’adore aussi sa façon d’écrire les enfants. En BD, je suis un énorme lecteur, mais en termes d’influence dans mon travail, je citerai la scénariste Séverine Gauthier. En réalité, ce n’est pas tant que ses livres m’influencent, mais plutôt le fait que je me sente de la même famille d’écriture qu’elle. C’est visible dans les livres qu’elle développe chez Delcourt Jeunesse (Garance, L’Homme montagne…) où le texte en récitatif a une place importante et où elle nous conte quelque chose d’intime et magique. Nous partageons le même éditeur dans cette collection, Thierry Joor, et ce n’est pas un hasard. Je suis convaincu que ce dernier a été sensible à mon travail parce qu’il a reconnu quelque chose de l’ADN que je partage avec Séverine.
Comment définiriez-vous votre style d’écriture ? Quels sont les messages que vous souhaitez transmettre au travers de vos histoires ?
Pour le style, je ne sais pas du tout… Je ne sais même pas si j’en ai un, ça serait plus une question à poser aux dessinateurs qui travaillent avec moi ou aux lecteurs. Quant à ce que je veux transmettre, c’est un peu plus clair. Je suis un zèbre usé par les valeurs mises à l’honneur dans notre société : ce qui est cool, ce qui est valorisé est toujours à base de cynisme ou de décalage distancié et un peu moqueur. J’ai l’impression que c’est devenu la valeur étendard dans notre pays que d’avoir la posture de tout moquer tout le temps jusqu’à tout rendre dérisoire, y compris les tragédies les plus horribles. Moi je trouve que le vrai courage n’est pas dans le cynisme, mais bien dans l’empathie, la bienveillance, la tolérance (et en tant que misanthrope, je sais de quoi je parle). Ça fait tout de suite de moi un abruti d’évoquer ce genre de valeurs, mais tant pis. Quand j’écris un livre, je m’autorise à ce que des gens animés de bonnes intentions puissent parfois avoir droit au bonheur. C’est mon pied de nez à la vraie vie, ça. J’ai la chance de pouvoir faire vivre des univers de papier où je peux instiller des notions d’espoir et de bonnes ondes. C’est mon luxe.
Sinon, il y a plusieurs trucs auxquels j’essaie de faire attention dans mes histoires également, comme le fait que les femmes soient ce qu’elles ont envie d’être. Je me déconstruis depuis plusieurs années et je ne suis pas à l’abri de vieux réflexes induits par notre société patriarcale, mais je porte une attention toute particulière à mes personnages féminins. J’aime que dans Le Temps des Mitaines la badass de la bande soit une fille ; que dans Shä & Salomé, Salomé ait des loisirs qu’on attribue plus généralement aux hommes ; que dans Les Jours Sucrés, Églantine envoie chier son mec/boss pour vivre comme elle l’entend…
Et puis on ne se renie pas, donc en lisant un de mes livres, on est jamais à l’abri d’un message écologique, politique ou économique, je l’admets. Pourtant, je déteste le prosélytisme donc je ne construis pas le livre artificiellement autour du message, mais je veille à ce que l’armature tienne seule.
Vous écrivez essentiellement pour la jeunesse, parfois pour les lecteurs « adultes », avez-vous une manière de travailler différente selon les projets ?
Il se trouve que j’écris et qu’ensuite ça rentre dans une tranche d’âge, mais ce n’est pas trop de mon fait. Finalement, c’est plus le travail des éditeurs de « marketer » la cible derrière, ou même celui des libraires ou des bibliothécaires. Quitte à, sans mauvais jeu de mots, trop enfermer dans des cases ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est qu’on a des enfants qui viennent se faire dédicacer Les Jours Sucrés et qu’on a des lecteurs adultes de Chaussette ou du Voleur de souhaits… Je travaille en général de la même façon pour les différents types de public. Je pars du propos que je veux tenir, du thème que je veux aborder et ensuite, il y aura des ajustements potentiels sur la forme, en lien avec le dessinateur et l’éditeur.
Quand je fais des petits romans chez Little Urban, comme je sais que les lecteurs seront des CP-CE1, j’essaie d’éviter les phrases interminables, voilà tout. Après, je ne m’interdis rien au niveau des thématiques ou des mots compliqués, même pour un jeune public. Il est arrivé que ça soit l’éditeur qui me l’interdise d’ailleurs. Mais quand c’est arrivé, c’était sur des albums jeunesse, car en BD j’ai une liberté totale. Je peux parler aux enfants de la dépression, du deuil, du harcèlement scolaire sans encombre quand je fais de la bande dessinée, et ça c’est précieux.
En tout cas, avec Anne nous tenons beaucoup à continuer à faire des BD pour un public adulte à côté de notre production jeunesse, c’est important pour nous de varier les plaisirs.
Vous avez connu un certain succès et remporté plusieurs prix avec le tome 1 du Temps des mitaines, publié chez Didier Jeunesse en 2014. Est-ce que cela vous a ouvert des portes ?
C’est le livre qui a fait toute la différence en effet, celui qui nous a permis de dire qu’il y a eu un avant et un après. Avant ça, nous avions publié un album de strips de BD (Shä & Salomé – Jours de pluie) et, niveau éditorial, la suite se présentait mal pour moi. Anne, qui a plusieurs cordes à son arc, a toujours du travail dans le graphisme ou l’illustration en édition jeunesse, mais moi heureusement que j’avais un boulot salarié à côté, parce que je me rappelle que c’était compliqué de faire rencontrer nos projets aux éditeurs. C’était une période de douche écossaise en BD.
Et puis, Le Temps des mitaines a pu (difficilement) exister et a pu (difficilement) rencontrer son public grâce aux bibliothécaires et aux libraires qui l’ont porté. Il a obtenu pas mal de prix et les regards ont un peu changé, c’est vrai. Je sais qu’à partir de la sélection à Angoulême, on s’est mis au moins à nous répondre quand on envoyait un projet, et ça c’est déjà beaucoup. Et au-delà, ce livre a été un peu un marqueur de ce qu’on veut faire dans nos BD, il annonçait la couleur. Je déjeunais avec le dessinateur Clément Lefèvre il y a peu, et il me disait que lorsqu’il parle de notre projet de BD commun et qu’il cite mon nom, on lui répond : « ah oui, Loïc Clément du Temps des mitaines ? » C’est rigolo de savoir qu’une BD dont personne ne voulait est devenue comme ça une référence de notre travail avec Anne.
Vous venez de publier simultanément deux albums jeunesse chez Delcourt. Est-ce que ces deux histoires sont liées ?
Elles sont liées de mille façons et dissemblables de mille autres. Ce qui rapproche Chaussette et Le Voleur de Souhaits, c’est déjà leur genèse commune. Deux projets initialement écrits comme des albums d’illustration jeunesse. Ces projets ont été créés à la même époque sur mesure, chacun pour un dessinateur précis, en discutant avec eux de leurs envies de dessin et en ayant en tête leur travail au moment de l’écriture. C’était à un moment où je m’étais fixé le challenge d’écrire pour des artistes dont j’aime le travail, et j’ai produit plusieurs projets qui ont tous connu un parcours chaotique. De ces projets, qui ont souvent explosé en plein vol, je retiens deux choses.
Comme je le disais, les thématiques sombres sont difficiles à placer chez des éditeurs jeunesse ; et écrire un projet pour quelqu’un qu’on connaît peu réserve bien des surprises. Monter un dossier éditeur puis faire un livre sont des processus tellement exigeants qu’il faut vraiment une osmose entre les différents collaborateurs et, parfois, ça n’aboutit pas faute de se comprendre ou bien comprendre où l’on va. Chaussette et Le Voleur de Souhaits ont donc en commun d’être les deux « survivants » de cette grosse vague de projets qui abordaient tous des thématiques difficiles. Et encore, Chaussette est une miraculée, car elle a connu trois dessinatrices.
Ces deux livres sont liés ensuite sur la forme. Nous avons une 4e de couverture en damier qui est similaire, car finalement, ces deux histoires pourraient se dérouler dans le même univers. Les personnages de chaque album passent d’ailleurs faire un coucou chez l’autre. Au-delà, ces deux BD sont dans la logique de la comédie humaine que je souhaite écrire, et qui fait que tous mes livres sont liés. Ils seront symboliquement un socle pour tous les Delcourt Jeunesse qui suivront. D’ores et déjà à l’étape du scénario, la BD sur le harcèlement scolaire que je suis en train d’écrire chez cet éditeur, comporte des scènes où le héros croise Chaussette ou Félix. On en a discuté avec Bertrand Gatignol, mais si nous trouvons une bonne histoire, rien n’interdit à ce qu’on revoit nos personnages vivre leur vie au milieu de l’histoire d’autres personnages.
Comment choisissez-vous les dessinateurs avec qui vous travaillez ?
Alors ça a un peu évolué au gré des expériences et au fil des années, mais au début, je ne travaillais qu’avec Anne Montel. Une collaboration qui roule j’ai envie de dire. Puis je me suis mis à travailler avec les copains et à leur proposer un projet sur mesure. Ça a été le cas avec Eglantine Ceulemans et Bertrand Gatignol, car il me semblait que l’humain était aussi important que l’artistique pour que le livre ait une âme. Le luxe, c’est aussi écrire en ayant les points forts et faibles de son dessinateur en tête, comme ça vous pouvez proposer des découpages ou des mises en scènes où ils pourront faire exploser leur talent !
À un moment, j’ai élargi le spectre en discutant avec des dessinateurs que je connaissais pas, ou peu, virtuellement, mais dont j’adorais le travail et j’ai commencé parfois à proposer des projets qui n’étaient pas du sur-mesure.
En résumé, je refuse les mariages arrangés et que je dois toujours être moi-même fan du travail de mon collaborateur. Point récurent : c’est toujours moi qui démarche le dessinateur aussi, à une exception près pour ma BD chez Akiléos avec Stéphane Benoit. Peut-être qu’un jour, on viendra davantage me chercher, mais pour le moment c’est ainsi. Et alors, cerise sur le gâteau, quand je travaille avec des amis, c’est vraiment précieux. Je pense que ça se ressent ensuite dans le livre.
Comment s’est passée la collaboration avec Bertrand Gatignol, qui dessine Le Voleur de souhaits ?
À part que le pauvre vieux s’est tranché le tendon de la main et que livre a pris un peu de retard, je dois dire que c’était top, car ça a constitué une expérience très riche. Nouveau collaborateur fort d’expériences diverses dans l’animation en tant que chara-designer ou en tant que dessinateur BD avec les scénaristes Merwan (Pistouvi) et Hubert (Petit, Demi-sang), Bertrand a de la bouteille comme on dit.
L’histoire du Voleur de souhaits est écrite pour lui et personne d’autre, car il fallait un artiste capable de retranscrire les émotions complexes du trouble intérieur. Pour moi, Bertrand est un peu le Milan Kundera des dessinateurs. Pas moins. C’est-à-dire qu’en quelques coups de crayon, il sait exactement nous représenter ce que ressent le personnage et ça, c’est extrêmement précieux. Par ailleurs, c’est un metteur en scène incroyable et je savais que si ma proposition était un peu faible, que mon découpage était un peu bancal, il ne laisserait pas passer et ferait des contre-propositions. Par ailleurs, c’est la première fois que je tombe sur un collaborateur qui est au moins aussi intéressé que moi par les questions de la chaîne du livre. Dès le début, on discutait de la forme, du public, de la collection, du marketing, des trucs malins à ajouter pour servir notre propos et le véhiculer intelligemment. Bertrand discute avec les graphistes, la fab’, les diffuseurs, les libraires et est très curieux de tout ça. En général, les auteurs et dessinateurs se consacrent à leur boulot de création et ne s’occupent pas du reste.
Quel a été votre dernier coup de coeur de lecteur au rayon BD ?
Alvaro Ortiz est ma grande révélation chez Rackam. Cet auteur a une telle maîtrise de la narration que je m’en suis pris plein les mirettes l’année dernière. J’ai dévoré Cendres, Murderabilia et Rituels d’une traite et quelle claque ! Et puis pour compléter, on m’a offert Deux Hollandais à Naples, mais c’est plus pour la collec’ qu’autre chose, car c’est le plus anecdotique des quatre… Bref, reste une énorme révélation d’un auteur génial qui ne s’embarrasse d’aucun carcan et adopte une liberté de thème, de ton et de narration incroyable…
Sinon, j’ai beaucoup aimé L’Épouvantable peur d’Épiphanie Frayeur chez Métamorphose où j’ai retrouvé la belle plume de Séverine Gauthier et eu la confirmation que Clément Lefèvre, en plus d’être un incroyable illustrateur, était aussi un auteur de bande dessinée qui tente des expériences narratives intéressantes. J’ai beaucoup été touché par La Légèreté de Catherine Meurisse chez Dargaud. Le sujet des attentats m’intéresse à titre personnel (c’est le sujet de la « suite » des Jours sucrés) et la façon dont cette autrice s’en est emparé m’a bouleversé. Beaucoup de beauté et de pudeur. On trouve beaucoup de ces deux qualificatifs aussi dans L’Adoption de Zidrou et Monin. Ha, et je signale les rééditions de Mutts aux Rêveurs et de Cul de Sac chez Urban, parce que pour moi, c’est la base.
Quels sont vos projets à venir ?
Je viens de finir d’écrire le tome 1 de notre série Chroniques de l’Île perdue avec Anne Montel chez Métamorphose sur les peurs et traumatismes de l’enfance. Anne souffre sur le storyboard car puisqu’il s’agit d’aventure, il y a beaucoup de mouvements et elle se fait violence, mais ça sera super.
J’ai fini d’écrire depuis longtemps une BD d’enquête-aventure anthropomorphique qui se situe dans un Japon médiéval fantastique avec des yōkai. Ça sera avec Stéphane Benoit au dessin pour les éditions Akiléos. C’est un peu ma version à moi des shônen de mon enfance, mais j’ai peu de nouvelles. Wait and see ?
Sinon, j’ai écrit deux tomes de Professeur Goupil aux éditions Little Urban (la branche littérature jeunesse de Dargaud), des romans pour les CP-CE1 avec Anne Montel au dessin. Ça parle d’un misanthrope qui se fait envahir dans son quotidien par plein de petits animaux un peu chtarbés. Le premier sort en septembre et donc ça devrait être un rendez-vous régulier et c’est trop cool à faire. L’éditrice est tellement enthousiaste que ce nouvel exercice est galvanisant.
Actuellement, j’ai fini d’écrire notre BD sur le harcèlement scolaire avec Clément Lefèvre chez Delcourt avec pour personnage principal un célèbre vampire, et ça s’appellera Chaque jour Dracula. Clément avance vite et bien, ça sera drôlement chouette.
Ensuite avec Anne, on négocie depuis un long moment des contrats pour, « normalement », pouvoir adapter un roman de l’immense Marie-Aude Murail. Ca serait prévu en trois tomes chez Rue de Sèvre et ça serait ma première adaptation d’un roman. Je peux dire qu’Anne Montel n’aura jamais été autant dans son élément que sur ce projet, s’il se fait…
Et puis, je vais utiliser le conditionnel, mais il devrait y avoir une fausse suite aux Jours sucrés intitulée Les Nuits amères qui parlera notamment des attentats du 13 novembre ; ainsi qu’un tome 2 de nos Chroniques de l’Île Perdue chez Métamorphose.
Ensuite, avec Thierry Joor chez Delcourt Jeunesse, nous sommes toujours en recherche d’un dessinateur pour un de mes projets jeunesse qui avait explosé en vol et que j’aime beaucoup, mais ce n’est pas simple de trouver la perle rare.
Avec Anne nous avons un projet de cherche-et-trouve comme ce que nous avions fait chez Belin Jeunesse avec Mille Milliards de trucs (et de moutons) sur le thème de Noël. Et nous avons envie après Chaussette de faire deux nouvelles BD courtes, chez Delcourt toujours. La première parlerait des familles recomposées et la deuxième ferait suite à Chaussette et s’appellerait Jeannot.
Pour finir, la mauvaise nouvelle, c’est qu’actuellement, nous sommes en train de réaliser qu’il n’y aura peut-être pas de suite au Temps des mitaines chez Didier Jeunesse. Les discussions autour de ce titre qui a su trouver son public sont en cours, car la maison d’édition ayant par ailleurs stoppé la commercialisation de ses titres BD, elle s’interroge sur le futur de la licence (et nous avec). On parle beaucoup en ce moment et il faut qu’on trouve une solution…
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Que je ne me perde pas en route. Que je creuse mon sillon sans me soucier des modes, inlassablement, et que je puisse poursuivre des collaborations riches avec des artistes et des éditeurs que j’aime. Ce qu’on peut me souhaiter de plus gentil aussi serait que je vive enfin correctement de mon travail. Ce n’est pas gagné.
Publiez un commentaire