Sous son béret et avec son balai, Lucien est un grand gars un peu simplet, chargé de nettoyer les rues d’un petit village et de rassembler les feuilles mortes. Une vie ordinaire et solitaire, qui lui convient. Même s’il lui faut endurer les regards méprisants de ceux qui ne le voient que comme l’idiot du village et les mauvaises blagues des gamins moqueurs. Des farces qui virent au harcèlement et à la violence, et que n’arrive pas à empêcher le petit Paul, seul ami de Lucien. Jusqu’à ce que tout déborde…

Connu pour ses super BD muettes pour jeune public Anuki, Stéphane Sénégas propose ici, avec la complicité de Guillaume Carayol, un joli conte pour ados-adultes, autour du thème de l’amitié. Les ailes qu’elle donne, les déceptions ou la jalousie qu’elle peut susciter, les sourires qu’elle tire, la force vitale qu’elle irrigue. Surtout entre un gamin malin et ouvert, et un adulte à l’esprit vagabond peu à l’aise avec les codes sociaux. C’est souvent tendre, parfois très sombre, et la galerie de personnages secondaires – les deux soeurs renfrognées Carmen et Maria, le pervers Kadeg, le naïf épicier… – donne toute sa profondeur à un récit dont le découpage narratif impressionne. Les ellipses sont intelligentes, les compositions de pages jamais paresseuses, le rythme impeccable, les dialogues soignés – tout cela ferait un très bon dessin animé. Et le dessin en noir et blanc virevolte, donnant chair à une histoire aux ressorts parfois un peu attendus mais qui saisit le lecteur du début à la fin.