Manu Larcenet s’empare du « Journal d’un corps » de Daniel Pennac
Avec Journal d’un corps, paru l’année dernière, Daniel Pennac racontait la vie d’un corps — de ses 12 ans à sa mort — du point de vue de celui qui l’habite (un autre lui-même ?). Et rien n’était épargné au lecteur : sang, vomi, merde, érection, pet, bâillements, polype, varicelle… Mais aussi peur, sexe, passion et une immense déclaration d’amour aux proches que l’on aimerait retenir indéfiniment. L’auteur expliquait qu’il était à la fois « sujet et objet », dissociant l’âme et l’enveloppe charnelle pour se plonger dans l’étude de cette dernière à la manière d’un entomologiste devant une fourmi.
Pour ce best-seller, Manu Larcenet a eu un vrai coup de foudre, au point de proposer à l’écrivain, qu’il ne connaissait pas, de l’illustrer. Acceptation enthousiaste de Pennac, habitué aux collaborations chez Futuropolis (Le Sens de la houppelande et La Débauche avec Jacques Tardi, en 1991 et 2000). Mais l’association romancier/illustrateur prend ici une forme inédite. Dans ce très bel et massif (plus de 380 pages) album en noir et blanc, la mise en dessin est un choc. La tendresse de l’auteur à succès de la série des Malaussène est noircie par le trait brutal et dramatique de Larcenet. Une certaine obsession du corps souffrant était déjà sensible dans Blast, elle s’exprime ici à plein.
La grande réussite de l’ouvrage vient de la totale liberté laissée par Pennac à Larcenet. Au lieu d’illustrer simplement le texte, ce dernier préfère dessiner perceptions et émotions ressenties lors de sa lecture. D’où des interprétations parfois différentes (une angine décrite comme un bocal qui vous enferme chez Pennac devient un clou dans la gorge chez Larcenet). Larcenet rejette d’ailleurs le mot collaboration et explique qu’il a fait son propre travail à partir du roman. La complicité née de cette rencontre n’a donc pas donné naissance à une fusion. Sous nos yeux se livrent la bonhommie de Pennac et le corps intranquille de Larcenet. De là vient la force du livre, en dehors de son évidente beauté formelle. C’est un palimpseste : deux Journal d’un corps se superposent et se nourrissent, redoublant l’émotion et donnant envie de s’y replonger une fois la lecture finie.
Mélanie Monroy
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Journal d’un corps
Par Manu Larcenet et Daniel Pennac.
Futuropolis/Gallimard, 35 €, avril 2013.
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