Manuele Fior à « L’Heure des mirages »
Ici Même a publié en début d’année un très beau livre d’illustrations de Manuele Fior, sans doute l’un des plus talentueux dessinateurs de sa génération.
C’est dans sa toute nouvelle collection, Mordicus, que l’éditeur Ici Même rend hommage au travail et à l’art de l’auteur italien Manuele Fior (L’Entrevue, Les Variations d’Orsay, Les Jours de la Merlette). Révélé en France au grand public en 2010 avec 5000 kilomètres par seconde, Fauve d’or à Angoulême 2011, Manuele Fior développe une esthétique picturale de toute beauté, à la gouache ou à l’aquarelle le plus souvent, peignant des chroniques sociales ou creusant une SF pleine de sentiments.
L’Heure des mirages donne à voir l’indicible talent d’un artiste inspiré, filtrant des mirages au gré de l’inspiration, même si la technique le fascine : « Sur le blanc de la feuille, j’ai assisté comme dans un rêve éveillé à l’éclosion d’une histoire (…), j’ai posé mon regard sur des paysages anciens. Puis tout s’est évanoui, laissant comme seule trace un dessin à la gouache de vingt centimètres par vingt (…), ils me sont comme étrangers, faits par d’autres mains et pensés par d’autres cerveaux », raconte-t-il dans la préface. Ce livre est donc « l’exploration de son continent », compilant près de 200 dessins publiés dans divers supports, de La Repubblica aux Inrocks en passant par Rolling Stones, le New Yorker et des couvertures de roman (Italo Calvino, Le Baron perché) ou des croquis pour des albums.
Se dessine une œuvre intime, éclairée par une lumière chaude et colorée, suave et sensuelle. Manuele Fior dit aujourd’hui préférer la gouache à l’acrylique, plus réflexive et moins tape-à-l’œil. Un peu à l’image de son univers, nourri par une pointe de mystère dans des territoires pourtant familiers. Grand atout du livre, l’accueil fait au dessin, véritable star ici. Car si les commentaires ou les anecdotes – brefs et jamais lourds – en accompagnent certains, ils sont là pour mieux cerner le travail de l’artiste, les couleurs éclatantes ou contenues, les visages incrédules ou les regards inquisiteurs, le charme et son énigme. Éclairer une technique, définir un ressenti, souligner l’admiration (« Mais comment fait Mattotti?”), les textes aiguisent l’intérêt pour le trait et révèlent derrière la beauté brute un cheminement sinueux, fait de doutes, de questions et de promesses. Donnant vie à des mirages splendides mais bien réels. Un touchant et beau livre.
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L’Heure des mirages.
Manuele Fior.
Ici Même, 26 €, février 2018.
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