Martin Vidberg retrace un « Quinquennat nerveux »
Tout le monde, ou presque, connaît aujourd’hui ses personnages-patates. L’ancien instituteur Martin Vidberg, 31 ans, a réussi sa reconversion dans la bande dessinée. Depuis 2008, l’auteur du Journal d’un remplaçant s’exprime régulièrement sur le blog L’Actu en patates, accueilli sur le site du journal Le Monde. Il y pointe avec humour les dérives du quinquennat de Nicolas Sarkozy, pointant son côté bling-bling, sa tendance à la « politique people », racontant de façon piquante la crise, le problème des retraites ou l’élection de Barack Obama… Cet auteur de bandes dessinées – qui peine encore à se définir comme tel – publie aujourd’hui Quinquennat nerveux, un recueil papier d’une sélection de ses dessins.
Pourquoi consacrer un livre à cette période, ce quinquennat sarkozien ?
Ces quelques années m’ont beaucoup marqué : j’ai commencé le dessin de presse pendant la campagne de 2007, et j’ai ainsi découvert le métier. En France, il n’y a pas eu de révolution, mais un changement sociétal dans de nombreux domaines. Après, il me serait difficile de préciser les choses, car je ne suis ni analyste politique ni même journaliste. Mon objectif est de divertir les visiteurs en leur apportant à la fois un certain recul et de la légèreté.
Comment avez-vous procédé pour choisir ce que vous alliez publier sur papier ?
J’ai dû faire un choix parmi 1500 dessins, écarter les plus périmés, en alternant les gags anecdotiques et plus profonds. J’ai ôté ce qui passait moins bien une fois imprimé, comme une belle infographie sur Dominique Strauss-Kahn, par exemple. J’ai tenté d’agencer l’ensemble afin qu’on puisse le picorer agréablement. Ces dessins réalisés au feutre, sur papier, je les ai tous recolorisés par ordinateur, et j’ai ajouté une vingtaine de pages pour lier le tout.
Comment êtes-vous venu au dessin de presse ?
J’ai commencé à bloguer en 2000, pour le plaisir. J’étais alors instituteur, inspiré par mon quotidien. Je dessinais après le travail. Après avoir publié Journal d’un remplaçant [qui suit le parcours d’un jeune professeur des écoles] en 2007, j’avais envie de continuer la bande dessinée. Mais sans devenir égocentrique, ni raconter ma vie. Le thème de l’actualité s’est imposé naturellement. J’ai le goût de la parodie et de la communication, je trouve facile de plaisanter sur ce qui se passe en France ou dans le monde. Au bout de six mois, j’ai fait migrer L’Actu en patates sur LeMonde.fr, et ça a très bien fonctionné.
Qu’est-ce qui a changé, depuis, pour vous ?
En 2011, je suis devenu dessinateur à plein temps, j’ai arrêté l’enseignement. Résultat : j’ai pris un peu de poids à force de rester coincé entre mon bureau et le frigo, et j’ai mal au dos à force d’être courbé sur la table à dessin ! Aujourd’hui, les meilleurs mois, le blog attire un million de visiteurs. Je ne m’attendais pas à cela. Il faut croire que les gens ont envie de dessin de presse en ligne. C’est un genre très moderne, qui a semblé dépassé sur le papier quand les Guignols de l’info sont apparus sur Canal Plus. Mais sur le web cela fonctionne aussi : ce média de l’immédiateté convient parfaitement.
Comment travaillez-vous ?
Je gère mal mon temps. Pour réaliser un dessin, il me faut tantôt deux heures, tantôt une journée entière. Je choisis des thèmes susceptibles d’intéresser mes lecteurs, qui sont donc connus d’eux. Ce dont on parle dans les bistrots, ce qui fait les gros titres du JT. Personnellement, j’ai tendance à aimer des choses surprenantes ou inattendues, personnellement, donc je ne me fie pas forcément à mes propres goûts. Ensuite, je travaille sur le décalage, l’absurde. Ces patates que j’utilise, c’est un sillon au long cours que je tente de tracer. Pas question d’en changer aujourd’hui. Ce procédé m’est venu un jour, par hasard, en griffonnant sur un papier pendant que je téléphonais…
Aujourd’hui, vous sentez-vous auteur de bandes dessinées ?
Non, pas encore. Cela me semblerait prétentieux… Et puis je fréquente peu le milieu de la BD, les festivals. Je suis autodidacte, et cela me surprend toujours quand on me dit que mes personnages fonctionnent bien. Heureusement, des artistes comme Lewis Trondheim ou Manu Larcenet existent : ils ont décomplexé beaucoup de monde, en montrant qu’on pouvait faire des choses intéressantes avec un dessin moins académique.
Quels sont vos projets ?
Je vais peut-être préparer un autre livre humoristique sur l’enseignement, mais qui ne sera pas autobiographique. Il concernera le débat actuel sur l’école, ce qu’elle est en train de devenir.
Propos recueillis par Laurence Le Saux
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Quiquennat nerveux
Par Martin Vidberg.
Delcourt, 16,50€, le 16 novembre 2011.
Images © Delcourt.
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