Medley
Les rêves ont leur mécanique, impalpable, imprévisible, illogique et pourtant tellement évidente. Les cauchemars, c’est pareil, la peur et l’inquiétante étrangeté en prime. Pour se laisser aller dans ceux d’Emre Orhun, il faut donc être prêt à lâcher prise, à s’immerger totalement dans son monde bancal et flippant en noir et blanc, à laisser ce récit à tiroirs s’emparer de son esprit en abandonnant toute quête de cohérence. Vous en ressortirez ébouriffés !
Le Medley proposé par l’auteur de Erzsebet n’est pas une compilation de chansons suaves, mais un fondu enchaîné de séquences délirantes comme autant de rêves tordus, conté par un cerveau dans un jukebox. Lapin démoniaque répondant au doux nom de Shakira (à ne pas prononcer trois fois de suite, sinon…), gourou pervers et amateur de chair fraîche, toxicos de bistrots, pirates énervés, clown aux allures d’ogre… Voilà les personnages carnavalesques de cette cavalcade onirique, puisant ses inspirations dans le conte traditionnel (Pinocchio) ou la pop-culture. Le résultat est tour à tour excitant et éreintant, le principe même de la fuite en avant sans queue (enfin, pas tout à fait sans queue) ni tête tournant un peu à vide par moments. Il manque peut-être un fil directeur plus affirmé, la faute sans doute à un très long temps de gestation pour ce livre (plus de 5 ans). Toutefois, on retient surtout une mise en danger graphique permanente, avec une utilisation obsessionnelle de la carte à gratter, pour des images puissantes et punk – mais soignées – comme on n’en voit pas beaucoup en bande dessinée. Rien que pour ça, Medley vaut bien qu’on mette une pièce dans le jukebox.
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