Cookie Kalkair n’avait jamais été très proche de son père, qui avait quitté sa mère pour convoler avec la secrétaire et qui avait eu une fille avec. Mais quand le paternel fait un AVC, le dessinateur saute dans un avion, traverse l’océan et se rend à son chevet. Le papa est sauvé, et vivra avec quelques séquelles motrices sans gravité. Mais il est surtout touché par une aphasie : s’il comprend tout et serait capable d’entretenir une conversation, seule une poignée de mots parvient à sortir de sa bouche, remplaçant tous les autres. Parmi ceux-là, « merveilleux »…

Auteur de docus malins (Pénis de table, Les Jeux vidéo et nos enfants…), Cookie Kalkair avait pris l’habitude de se dévoiler et se mettre en scène (notamment dans De polyamour et d’eau fraîche) pour mieux développer son propos et faire passer des infos solides. Il surprend ici avec un livre encore plus personnel, en quittant le ton de la BD didactique : en revenant sur l’AVC de son père et la manière dont cet événement a chamboulé sa propre vie, il interroge avec sensibilité – et sans aucun pathos – sa propre position de fils, de frère, de père. En effet, il va renouer avec un papa qui semble apaisé, il va vraiment apprendre à connaître sa jeune soeur et va, forcément, prendre encore plus conscience de son rôle de père élevant un petit garçon plein de questions. Touchant, drôle, émouvant, son récit est mis en scène avec une belle fluidité, porté par un sens du rythme impeccable et des dialogues réjouissants, autant que par un dessin immédiatement accessible. Mention spéciale aux couleurs de William Wagner, subtiles dans une gamme lumineuse, volontiers décalées du réalisme, qui donnent à cette histoire une énergie rare. Bien loin de « BD sur la maladie » qui ont fleuri ces dernières années, Merveilleux est une enthousiasmante BD sur la vie.