Mon ami Pierrot
Alors qu’elle rêve de devenir danseuse et d’accomplir ses propres rêves, Cléa est promise à Berthier, fils d’une famille noble, et condamnée à n’être qu’une épouse. Ce qui, dans ce monde médiéval imaginaire, contenterait bien des jeunes filles. Mais Cléa est fière, têtue et bien décidée à ne pas se laisser faire : séduite par un beau sorcier, elle s’enfuit à ses côtés et découvre en même temps le monde de la magie, le souffle de la liberté et l’amour-passion. Jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle a quitté une prison pour une autre, bien plus complexe et ambigüe…
Après le remarqué Lettres perdues, Jim Bishop propose un nouveau long one-shot en forme de conte de fées, qui détourne les clichés du genre pour mieux questionner la liberté individuelle, les relations toxiques, les violences faites aux femmes ou l’estime de soi. Son personnage de Pierrot est complexe, tantôt pervers narcissique, tantôt victime de sa propre incapacité à trouver sa place dans le monde. Cléa, elle, incarne parfois la midinette fragile et facilement influençable, et parfois la femme forte et courageuse dans ses choix risqués. Le tout dans un univers féérique chatoyant, quelque part entre le maniérisme d’un Atelier des sorciers, le faste des univers de Miyazaki ou une tendance à l’épure vue chez Timothé Le Boucher (47 cordes) ou Jade Khoo (Zoc).
L’idée est bonne, la construction efficace, le rythme bien soutenu. Toutefois, quelques éléments déçoivent un peu. Là où Lettre perdues étonnait par son monde foutraque (voire trop foutraque, d’ailleurs, pour tenir la longueur), la trame de Mon ami Pierrot manque un peu de surprises : on sent un peu tout venir à l’avance, et le personnage du prince sauveur (le Berthier cocu, parti délivrer sa belle) manque singulièrement de profondeur, comme la plupart des personnages secondaires. Le dessin, plutôt enjôleur, est parfois trop sommaire, expédiant les détails de décor ou d’accessoire en quelques traits jetés, ou sous des couleurs criardes. Dès lors, même si on lit ce sombre conte sans déplaisir, on s’interroge au final sur le recours à des ficelles un peu faciles et à des personnages qui perdent en subtilité au fil des pages. La faute sans doute à un manque de maturité et de profondeur dans l’exploration des thèmes, mais qu’on ne saurait blâmer trop fort étant donné qu’il ne s’agit là que du deuxième livre de son auteur.
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