Musique et bandes dessinées: zoom sur 4 albums biographiques
Serait-ce la mode des biopics au cinéma qui pousse les auteurs de bandes dessinées à adapter la vie de personnes célèbres ? Peut-être, mais à la différence de ces biographies filmées, le neuvième art a une liberté bien plus grande pour mettre en scène la carrière des grands de ce monde. En effet, et c’est une évidence de le souligner, les options de format, de procédé narratif, de mise en scène et en images sont beaucoup plus nombreuses avec des cases et des bulles que sur celluloïd.
Et la BD sait mettre la barre assez haut. En effet, quatre albums de ce printemps adaptent la vie de musiciens, une tâche compliquée puisqu’une bande dessinée, jusqu’à nouvel ordre, ça ne joue pas de musique. Quatre albums très différents, sur la forme et dans le fond, mais qui tentent tous de ressusciter une époque et une ambiance musicale.
Piscine Molitor, ou la biographie sensible
On vous a déjà parlé du très bel album de Christian Cailleaux et Hervé Bourhis sur la vie du musicien et écrivain français Boris Vian, mort il y a 50 ans. On y revient car, à la différence d’autres albums bio-musicaux, Piscine Molitor possède une vraie écriture, quasi romanesque. Il est fidèle au parcours et à l’existence de ce drôle d’artiste qu’était Vian. Le choix des auteurs de coller au plus près du personnage, de sa dépression et de sa passion pour l’écriture, fait qu’on se l’approprie sans véritablement s’identifier. Les grandes heures de Saint-Germain des Prés sont évoquées comme un passage obligé, mais c’est véritablement dans les séquences d’introspection ou de dialogues intimes qu’on touche le cœur malade de Vian. Les auteurs parviennent, tant dans l’écriture que dans le dessin (élégant et lumineux), à associer leur distance très professionnelle vis-à-vis du sujet et leur sincère affection pour son œuvre et sa personnalité. Une belle réussite.
Piscine Molitor.
Par Christian Cailleaux et Hervé Bourhis.
Dupuis/Aire libre, 15,50 €, le 22 mai 2009.
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Sentences, ou la biographie « moi je »
Autre temps, autres mœurs et autre façon de mettre en scène la vie d’un artiste. Sentences, sous-titrée La Vie de MF Grimm, est une autobiographie du rappeur américain, créée pour la bande dessinée par le talentueux graphiste Ronald Wimberly. Peu connu du grand public, Percy Carey – aka MF Grimm – a d’abord fait son trou dans le milieu hip hop d’Outre-Atlantique en jouant du flingue, et en dealant de la drogue. Un vrai bad boy de l’Upper West Side de New York, qui s’est très jeune affirmé comme un dur, avide d’argent facile. C’est d’ailleurs cette vie de gangster hallucinante qui occupe la majeure partie de cet épais roman graphique, avec au centre la fusillade qui l’a privé de l’usage de ses jambes. Et la musique dans tout ça? Trop peu présente, dans des passages réservés aux spécialistes du genre qui reconnaîtront dans certaines cases les stars du rap US. Si le récit est plutôt bien mené, il est quand même assez énervant. Grimm y va de longues tirades d’auto-glorification (même s’il prétend le contraire), tout en avouant qu’il y a plein de choses dont il ne peut pas parler (la justice le surveille…). Une autobiographie « moi je », fascinante par le parcours hors norme du bonhomme, mais plombée par une vraie complaisance.
Sentences, la vie de MF Grimm.
Par Ronald Wimberly et Percy Carey.
Dargaud, 15,50, €, le 24 avril 2009.
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Tupac Shakur sans concession, ou la bio-manifeste
Cet autre rappeur est une légende. Assassiné au top de sa carrière, après avoir survécu à un premier guet-apens, Tupac est devenue une icône du hip-hop et plus largement de la culture afro-américaine. C’est en tout cas ce que s’attache à démontrer la bande dessinée écrite par Barnaby Legg et Jim McCarthy et dessinée par Flameboy. Les parallèles avec d’autres figures de la communauté noire morts trop tôt, tels Malcolm X ou Marvin Gaye, font figure d’arguments massue, à l’image d’un récit manifeste. Les auteurs n’hésitent d’ailleurs pas à faire de la star du gangsta rap une figure christique lors d’une fusillade qui faillit lui coûter la vie et changea sa vision du métier (il accusa son rival Notorious Big d’avoir fomenté cet attentat). Encore moins de musique dans cette BD que dans Sentences. C’est vraiment le personnage et ce qu’il pouvait incarner (l’homme noir victime d’une société déformée par des siècles de ségrégation) qui intéressent les auteurs. Au risque de perdre les lecteurs qui n’adhéreraient pas à leur thèse, ni aux grandes images clinquantes et maladroites de Tupac, tout en torse et tatouages, qui parsèment l’album. Dommage, car la mise en scène efficace rend l’album plaisant à lire. Les auteurs donnent au final l’impression d’avoir été dépassés par le mythe auquel ils se sont attaqués.
Tupac Shakur sans concession.
Par Flameboy, Barnaby Legg et Jim McCarthy.
Indeez, 18€, le 7 mai 2009.
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Bob Marley en bandes dessinées, ou la biographie roots
L’éditeur Petit à Petit s’est fait une spécialité d’illustrer les chansons des grands artistes du XXe siècle (Brassens, Higelin, Gainsbourg…). Ils donnent aussi dans la biographie d’actualité (Obama) et dans le parcours musical (Les Beatles). Dans cette logique, voilà donc un Bob Marley en BD, ou la vie de A à Z d’un des inventeurs du reggae. On est ici dans de l’ultra classique: on commence par la naissance, puis la jeunesse et l’adolescence, pour continuer avec les premiers enregistrements et le succès galopant, et finir avec le cancer, la mort et l’hommage planétaire à un grand artiste porteur d’un message pacifique. Chaque chapitre est précédé d’un texte intéressant évoquant l’histoire du monde, de la Jamaïque et de Bob, bien sûr. Qui doublonne d’ailleurs parfois avec les planches de BD. Le point faible vient d’ailleurs de celles-là: largement ouvertes à de jeunes auteurs, certaines sont d’un niveau graphique et narratif globalement insuffisant. Mais l’ensemble demeure instructif et bien documenté, et donne une irrésistible envie de réécouter les grands albums des Wailers. Ce qui n’est déjà pas si mal.
Bob Marley en bandes dessinées.
Collectif.
Petit à Petit, 25 €, le 4 juin 2009.
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Images © Dupuis – Dargaud – Indeez – Petit à petit
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Bonjour, votre liste de suggestions est très bonne. En particulier le « Play List » de Dupuy et Berberian, toutefois, il me semble qu’un album aurait aussi sa place dans ce choix. Je pense notemment à « THE END, Jim Morrison », de Renard chez Casterman. J’avais beaucoup aimé cette réalisation et surtout le point de vue musicale.
Il y a aussi un Jimi Hendrix qui est pas mal du tout. sans parler du dernier album sur Johnny Cash.
Continuez.
Un fidèle lecteur. -
Bonjour, votre liste de suggestions est très bonne. En particulier le « Play List » de Dupuy et Berberian, toutefois, il me semble qu’un album aurait aussi sa place dans ce choix. Je pense notemment à « THE END, Jim Morrison », de Renard chez Casterman. J’avais beaucoup aimé cette réalisation et surtout le point de vue musicale.
Il y a aussi un Jimi Hendrix qui est pas mal du tout. sans parler du dernier album sur Johnny Cash.
Continuez.
Un fidèle lecteur.
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