Olivier Grenson se mesure à Niklos Koda
Sans baguette ni haut de forme, Olivier Grenson dessine depuis 1999 Niklos Koda sur les scénarios de Jean Dufaux. L’histoire d’un magicien aux faux airs de John Travolta époque Pulp Fiction, qui lutte contre les forces du mal et se laisse parfois happer par elles. Dans le dixième épisode de ses aventures, Koda joue cavalier seul, plante les membres du Club Osiris (un petit cercle fermé de gentils sorciers) et tente de récupérer sa fille. « Le personnage de Niklos Koda a en partie échappé à ses auteurs, affirmait récemment Jean Dufaux. Au départ très classique, il a rué dans le cadre et nous a surpris en partant vers la magie noire. Désormais, il n’est plus très sympathique et se retourne contre ses pairs. » Pour mieux coller à l’évolution de leur héros, ses géniteurs ont choisi de clore une « première saison », et d’en démarrer une nouvelle en 2010. Le dessinateur Olivier Grenson – aussi auteur avec Denis Lapière de La Femme accident – raconte ses rapports avec cette singulière création de papier.
Presque dix ans après sa naissance, Niklos Koda est-il devenu pour vous un personnage-boulet ?
Il m’est déjà arrivé de ressentir de la lassitude en le dessinant ou l’envie d’arrêter la série. Dans ce cas, Jean et moi discutons avec l’éditeur pour la faire évoluer, ou alors je cale un one-shot entre deux épisodes pour me ressourcer.
D’où La Femme accident avec Denis Lapière…
J’avais envie de faire autre chose depuis longtemps, et notamment de travailler en profondeur sur un personnage. Dans une série, on est obligé de faire avancer le héros sur la longueur, sans pouvoir particulièrement creuser une tranche de vie. Et puis j’avais envie de dessiner autrement, d’exprimer plus de sensibilité. Les approches narratives de La Femme accident et de Niklos Koda sont totalement différentes. Et pour cause, puisque Jean Dufaux et Denis Lapière ont des personnalités opposées ! En collaborant avec ce dernier, je n’ai pas voulu non plus me remettre complètement en question et changer de style. Je souhaitais que ma manière de travailler reste naturelle. Denis a une façon d’écrire très concise, il sait faire passer l’émotion en très peu de mots. Du coup, le dessin doit raconter plus de choses que le texte et ne pas se contenter de l’illustrer.
Pas trop compliqué de passer de Niklos Koda à La Femme accident ?
L’un est plutôt ludique et populaire, dans l’aventure et la transcendance du réel, tandis que l’autre est plus social et factuel. Passer de l’un à l’autre m’apporte une bouffée d’oxygène. Au début, je craignais de travailler sur plusieurs projets à la fois. Mais en fait chacun alimente l’autre, cela me permet de prendre du recul et d’enrichir ma technique.
Ce dixième Niklos Koda clôture donc un cycle.
Oui. Figurez-vous qu’au départ, Niklos devait exercer le métier de diplomate. Mais j’avais envie qu’il soit magicien – l’influence d’un ami qui exerce cette profession ! Jean Dufaux a rebondi sur l’idée, et l’alchimie de nos personnalités a fait que le personnage nous a en effet échappé… La magie a pris une énorme place dans la série : d’amusante, elle est devenue maléfique et manipulatrice. Dans le deuxième cycle, nous voulons partir dans une autre direction, changer le mode de narration, jouer sur des temporalités différentes… Le onzième album sera comme le premier d’une nouvelle série. Pour suivre le récit, le lecteur n’aura pas besoin de se replonger dans les précédents. Jean a envie d’aller dans une direction encore plus sombre. De mon côté, je réfléchis à un travail graphique plus audacieux, avec plus de noirs peut-être.
Avez-vous d’autres projets ?
Aujourd’hui beaucoup plus qu’avant, j’ai besoin de savoir où je vais par rapport à une histoire. Je viens d’ailleurs de boucler mon premier scénario, ce qui me permet de tout maîtriser. Il s’agit d’une histoire en deux volumes de 70 pages. Pour le moment, personne n’en a rien vu ! J’ai dessiné tout le premier album, je dois encore retravailler les couleurs. Il est promis à la collection Signé du Lombard. Cette fois, j’ai dessiné directement au marqueur, sans crayonnés. Le résultat est moins fignolé que La Femme accident, c’est plus brut et lâché – du moins j’espère ! Le titre provisoire est Oublier à jamais. Cela raconte l’histoire d’une famille éclatée sur trois générations, dont l’idée m’est venue il y a quatre ans, lors d’un voyage en Corée, et plus particulièrement quand j’ai approché la ligne de démarcation Nord-Sud. On suivra un jeune homme qui retourne sur les traces de son grand-père, mort pendant la guerre de Corée. Le premier épisode montrera le point de vue du petit-fils, et le second celui du grand-père.
Propos recueillis par Laurence Le Saux
Images © Le Lombard
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Par Olivier Grenson et Jean Dufaux.
Le Lombard, 10,40 €, le 5 décembre 2008.
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