"Omni-visibilis" : Lewis Trondheim et la comédie parano de la rentrée
Et si, comme Hervé, vous vous rendiez compte un matin que la terre entière peut voir à travers vos yeux, entendre par vos oreilles ? Voilà le postulat délirant d’Omni-visibilis, comédie insensée dessinée par le virtuose Matthieu Bonhomme, et imaginée par Lewis Trondheim. Ce dernier, auteur entre autres des Formidables aventures de Lapinot, des Petits Riens ou de Bludzee, revient sur la genèse et la réalisation de ce one-shot piquant et réjouissant.
Comment l’intrigue d’Omni-visibilis est-elle née?
Un dimanche, il y a quelques années. L’idée est apparue. J’ai tiré le fil et j’ai écrit le déroulé général sur trois pages dans les deux heures qui ont suivi.
Aviez-vous la volonté d’écrire une comédie ou de faire de la science-fiction légère ?
Je voulais voir où m’emmènerait l’idée de base, en traitant ce pouvoir de manière réaliste – c’est à dire, qu’est ce qui se passerait concrètement si ça arrivait à quelqu’un. Et comment ça se passerait si cette personne était un idiot ? Je voulais en faire une comédie, mais pas un truc à la Lapinot avec des blagues et des dialogues qui cinglent. Il m’a semblé qu’il fallait orienter le livre vers un format « roman graphique » pour lui donner du souffle. Et puis ensuite, laisser le temps aux choses…
Que tout le monde voie à travers vos yeux, est-ce votre cauchemar ?
En tant qu’auteur de bande dessinée, si le gens voyaient à travers mes yeux constamment, je perdrai mon boulot. Tout le monde aurait déjà lu mes BD au moment où elles se créent et personne ne les achèterait.
Par qui le personnage d’Hervé vous a-t-il été inspiré ?
C’est un mélange de moi avec des choses poussées à l’extrême. Graphiquement, je crois que c’est un serveur de resto pas loin de l’atelier de Matthieu Bonhomme. J’espère qu’il ne lit jamais de bande dessinée et qu’aucun de ses copains n’en lit non plus.
Avez-vous rencontré des difficultés ou des joies particulières en élaborant cette histoire ?
J’ai recouru au récitatif pour me glisser dans la tête du héros. J’ai hésité à user de ça parce que je n’en ai pas trop l’habitude, mais je crois que ça simplifie pas mal la lecture du personnage. Et puis on peut rajouter des tonnes de bêtises inédites.
Comment avez-vous rencontré Matthieu Bonhomme, et pourquoi avoir collaboré avec lui?
Je le croisais de temps à autre en festival. Mais le défi m’a été lancé dans un couloir de l’hôtel Mercure à Angoulême il y a quatre ans, je crois. On m’a dit qu’il était facile de faire des scénarios avec des bonshommes patates, mais que j’aurais bien plus de difficultés à écrire une histoire pour un dessinateur réaliste. En deux secondes, je voulais savoir si ce que m’avait dit cette personne était vrai. Et comme j’aime beaucoup l’élégance du trait de Matthieu Bonhomme, j’ai de suite été le voir (à 3 mètres de là) et lui ai demandé s’il voulait bien qu’on travaille ensemble. Il a accepté d’emblée, mais en me prévenant que ce ne serait pas avant deux ans et demi car là, il avait plein d’album à faire (Messire Guillaume, Anaon, Esteban). En rentrant, j’ai pensé à ce beau dimanche où j’avais écrit un synopsis et je me suis dit que ça pourrait coller. J’ai envoyé les trois pages à Matthieu, qui était enthousiaste. J’ai donc attendu deux ans et demi. J’ai rappelé Matthieu qui m’a dit qu’il était en retard et qu’il en avait encore pour six mois. J’ai attendu six mois. Et Matthieu m’a dit qu’il était embêté parce qu’on venait de lui proposer un album de XIII. Et qu’il allait très certainement le faire, mais que du coup, quand il aurait fini, il faudrait qu’il refasse Messire Guillaume et Esteban et Le Marquis d’Anaon et que ça repoussait notre collaboration à au moins un an et demi… Je lui ai donc dit que ça faisait trop d’attente pour moi, que j’allais faire Omni-visibilis avec quelqu’un d’autre et qu’on ferait un autre projet ensemble plus tard. Le lendemain, il m’a rappelé pour me dire qu’il voulait faire Omni-visibilis et que tant pis, il ne ferait pas XIII.
Qu’appréciez-vous dans son trait ?
Généralement, je ne suis pas fan des dessins réalistes, mais avec lui, ça va. Il a une très bonne ré-interprétation du réel, et une élégance, un dynamisme dans le dessin.
De quelle manière avez-vous travaillé avec lui?
Je lui ai envoyé le scénario (écrit, pas dessiné) au fur et à mesure. A chaque fois, il était content des scènes et j’étais content qu’il soit content. Et j’étais content de ce qu’il dessinait. C’était le pays des nains joyeux.
Pourquoi attribuer à l’histoire une tonalité graphique bleutée ?
C’est son choix, et j’approuve. Ça donne plus de lisibilité et une identité propre à ce livre.
Après un an de Bludzee, quel bilan à la fois artistique et commercial tirez-vous de cette aventure numérique ?
Je pense que l’avènement de la BD numérique n’aura pas lieu au cours des cinq prochaines années. Et qu’il faut continuer à faire des livres. De bons livres, et de beaux livres. L’objet physique est irremplaçable. Par contre, niveau capacité de diffusion, contact direct avec le public et éviction de toute la chaine habituelle du livre, je comprends que certains se fassent du souci car le modèle numérique permet beaucoup de choses. Je suis persuadé qu’à l’avenir, il y aura la place pour les deux.
De quelle façon avez-vous réalisé la version papier de Bludzee, à paraître chez Delcourt ?
C’était facile, j’avais travaillé en format de demi-page. Et je n’avais pas adjoint de sons ou de mouvements sur le support numérique, il m’a donc juste fallu dessiner une couverture.
Quels sont vos projets en bande dessinée papier et numérique – et ailleurs, par exemple au cinéma ou en animation ?
Je n’aime pas parler des projets, ça ne rime à rien.
Propos recueillis (par mail) par Laurence Le Saux
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Omni-visibilis.
Par Matthieu Bonhomme et Lewis Trondheim.
Dupuis, 24 €, le 27 août 2010.
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Achetez Omni-visibilis sur Amazon.fr
Images © Bonhomme-Trondheim / Dupuis
Photo © Pierre Duffour
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Comment i’s’la pete le mec!
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Comment i’s’la pete le mec!
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Je viens de finir ce livre… qui est bien décevant. Trondheim nous ressord toujours les mêmes trucs, que son livre soit positionné « roman graphique » comme il le dit ou « album », le résultat est horriblement ennuyeux, juste un peu plus prétentieux, dans les intentions, que d’habitude, justement à cause de cet habillage « roman graphique ». Matthieu Bonhomme, excellent par ailleurs, est ici tout aussi décevant, son dessin pas toujours bien à l’aise, parfois « vulgaire » dans les expressions et le grotesque mal géré, ainsi que cette bichromie qui ne « raconte » rien, si ce n’est : faire style. Enfin…, un livre déjà oublié avant d’exister.
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Je viens de finir ce livre… qui est bien décevant. Trondheim nous ressord toujours les mêmes trucs, que son livre soit positionné « roman graphique » comme il le dit ou « album », le résultat est horriblement ennuyeux, juste un peu plus prétentieux, dans les intentions, que d’habitude, justement à cause de cet habillage « roman graphique ». Matthieu Bonhomme, excellent par ailleurs, est ici tout aussi décevant, son dessin pas toujours bien à l’aise, parfois « vulgaire » dans les expressions et le grotesque mal géré, ainsi que cette bichromie qui ne « raconte » rien, si ce n’est : faire style. Enfin…, un livre déjà oublié avant d’exister.
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C’est si mauvais que ça? L’ITW et l’article de Bodoi m’avaient presque donné envie de l’acheter. D’autres l’ont lu?
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C’est si mauvais que ça? L’ITW et l’article de Bodoi m’avaient presque donné envie de l’acheter. D’autres l’ont lu?
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Sinon, je suis bien d’accord avec Trondheim quand il dit: « Je pense que l’avènement de la BD numérique n’aura pas lieu au cours des cinq prochaines années. Et qu’il faut continuer à faire des livres. De bons livres, et de beaux livres. L’objet physique est irremplaçable »
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Sinon, je suis bien d’accord avec Trondheim quand il dit: « Je pense que l’avènement de la BD numérique n’aura pas lieu au cours des cinq prochaines années. Et qu’il faut continuer à faire des livres. De bons livres, et de beaux livres. L’objet physique est irremplaçable »
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Je suis complètement d’accord avec Fred Poullet, j’ai été hyper déçue… Un concept intéressant et pfffuit ! le soufflé dégonfle. Toute l’histoire piétine laborieusement autour du concept sans rien n’apporter de plus. Les héros ne sont même pas attachants, on sourit une ou deux fois, et ce, plutôt au début, après on se fait ch… Naze !
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Je suis complètement d’accord avec Fred Poullet, j’ai été hyper déçue… Un concept intéressant et pfffuit ! le soufflé dégonfle. Toute l’histoire piétine laborieusement autour du concept sans rien n’apporter de plus. Les héros ne sont même pas attachants, on sourit une ou deux fois, et ce, plutôt au début, après on se fait ch… Naze !
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La chronique de l’album par Laurence le Saux est pourtant très élogieuse, parlant de « course-poursuite à la fois enthousiasmante, effarante et drôle » . Qui croire ? Les internautes ou les chroniqueurs ?
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La chronique de l’album par Laurence le Saux est pourtant très élogieuse, parlant de « course-poursuite à la fois enthousiasmante, effarante et drôle » . Qui croire ? Les internautes ou les chroniqueurs ?
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C’est une question de goût, mais je trouve que l’histoire manque de vision, d’amplitude, ça se veut réaliste sans l’être vraiment, notamment à cause des réactions des personnages face à ce qui leur arrive. C’est rarement drôle, ou alors c’est du running gag de marathonien, l’impression que le même ressort comique est utilisé jusqu’à épuisement (toujours selon moi). Bref, on espère jusqu’à la dernière page que ça décollera… mais non. La seule chose qui sauve un peu le tout sont peut être les dessins, qui sont élégants et dynamiques. Personnellement je regrette cet achat, donc oui essaie de gagner le livre via le concours Bodoï, Miss Amandine…
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C’est une question de goût, mais je trouve que l’histoire manque de vision, d’amplitude, ça se veut réaliste sans l’être vraiment, notamment à cause des réactions des personnages face à ce qui leur arrive. C’est rarement drôle, ou alors c’est du running gag de marathonien, l’impression que le même ressort comique est utilisé jusqu’à épuisement (toujours selon moi). Bref, on espère jusqu’à la dernière page que ça décollera… mais non. La seule chose qui sauve un peu le tout sont peut être les dessins, qui sont élégants et dynamiques. Personnellement je regrette cet achat, donc oui essaie de gagner le livre via le concours Bodoï, Miss Amandine…
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ok, j’ai compris, je me contenterai de le prendre à la médiathèque.
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ok, j’ai compris, je me contenterai de le prendre à la médiathèque.
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Ce mélange de comédie et de SF à la française me fait fortement penser aux univers de René Clair.
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Ce mélange de comédie et de SF à la française me fait fortement penser aux univers de René Clair.
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Tu dis ça parce Jean-Noël René Clair est actuellement incarcéré en Bulgarie, sinon je ne vois pas trop le rapport.
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Tu dis ça parce Jean-Noël René Clair est actuellement incarcéré en Bulgarie, sinon je ne vois pas trop le rapport.
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